Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/207

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peine à quatre cent mille âmes. Le recensement des peuples indigènes de cette partie du Nouveau Monde n’a pas été fait ; je vais le faire. Beaucoup d’hommes, beaucoup de tribus manqueront à l’appel : dernier historien de ces peuples, c’est leur registre mortuaire que je vais ouvrir.

En 1534, à l’arrivée de Jacques Cartier au Canada, et à l’époque de la fondation de Québec par Champlain, en 1608, les Algonquins, les Iroquois, les Hurons, avec leurs tribus alliées ou sujettes, savoir : les Etchemins, les Souriquois, les Bersiamites, les Papinaclets, les Montagnès, les Attikamègues, les Nipissings, les Temiscamins, les Amikouès, les Cristinaux, les Assiniboïls, les Pouteouatamis, les Nokais, les Otchagras, les Miamis, armoient à peu près cinquante mille guerriers ; ce qui suppose chez les sauvages une population d’à peu près deux cent cinquante mille âmes. Au dire de Laboutan, chacun des cinq grands villages iroquois renfermoit quatorze mille habitants. Aujourd’hui on ne rencontre, dans le bas Canada, que six hameaux de sauvages devenus chrétiens : les Hurons de Corette, les Abénakis de Saint-François, les Algonquins, les Nipissings, les Iroquois du lac des deux-Montagnes et les Osouékatchies ; foibles échantillons de plusieurs races qui ne sont plus, et qui, recueillis par la religion, offrent la double preuve de sa puissance à conserver et de celle des hommes à détruire.

Le reste des cinq nations iroquoises est enclavé dans les possessions angloises et américaines, et le nombre de tous les sauvages que je viens de nommer est tout au plus de deux mille cinq cents à trois mille âmes.

Les Abénakis, qui en 1587 occupoient l’Acadie (aujourd’hui le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse), les sauvages du Maine, qui détruisirent tous les établissements des blancs en 1675, et qui continuèrent leurs ravages jusqu’en 1748 ; les mêmes hordes qui firent subir le même sort au New-Hampshire, les Wampanoags, les Nipmucks, qui livrèrent des espèces de batailles rangées aux Anglois, assiégèrent Hadley et donnèrent l’assaut à Brookfield, dans le Massachusetts ; les Indiens qui dans les mêmes années 1673 et 1675 combattirent les Européens ; les Pequots du Connecticut ; les Indiens qui négocièrent la cession d’une partie de leurs terres avec les États de New-York, de New-Jersey, de la Pensylvanie, de la Delaware ; les Pyscataways du Maryland ; les tribus qui obéissoient à Powhatan, dans la Virginie ; les Paraoustis, dans les Carolines, tous ces peuples ont disparu[1].

  1. La plupart de ces peuples appartenoient à la grande nation des Lennilénaps, dont les deux branches principales étoient les Iroquois et les Hurons au nord, et les Indiens Delawares au midi.