Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/246

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et l’on suppose que la première ligne de fortifications fut élevée alors. Dans la suite des temps, le lac se retira plus au nord, laissant à sec une autre portion de plateau sur lequel fut placée l’autre ligne d’ouvrages. Les sols des deux plateaux diffèrent beaucoup l’un de l’autre : l’inférieur est employé en pâturages, le second est consacré à la culture des grains ; les espèces d’arbres varient dans le même rapport. La rive méridionale du lac Ontario présente aussi deux formations d’alluvion ; la plus ancienne est au nord de la route des collines ; on n’y a pas découvert de forts. J’ignore si on en a rencontré sur le plateau primaire ; on en a observé plusieurs au sud de la chaîne de collines.

Il est important pour la géologie de notre patrie d’observer que les deux formations d’alluvion citées plus haut sont, généralement parlant, le type caractéristique de toutes les terres qui bornent les eaux occidentales. Le bord des eaux orientales n’offre, au contraire, à peu d’exceptions près, qu’un seul terrain d’alluvion. Cette circonstance peut s’attribuer à la distance où le fleuve Saint-Laurent et le Mississipi sont de l’Océan ; ils ont, à deux périodes différentes, aplani les obstacles et les barrières qu’ils rencontroient ; et en abaissant ainsi le lit dans lequel ils couloient, ils ont produit un épuisement partiel des eaux plus éloignées. Ces deux formations distinctes peuvent être considérées comme de grandes bornes chronologiques. L’absence de forts sur les formations secondaires ou primaires d’alluvion du lac Ontario est une circonstance bien forte en faveur de la haute antiquité de ceux des plateaux au sud ; car s’ils avoient été élevés après la première ou la seconde retraite du lac, ils auroient probablement été placés sur les terrains laissés alors à sec, comme plus convenables et mieux adaptés pour s’y établir, y demeurer et s’y défendre.

Les Iroquois, suivant leurs traditions, demeuroient jadis au nord des lacs. Quand ils arrivèrent dans le pays qu’ils occupent aujourd’hui, ils en extirpèrent le peuple qui l’habitoit. Après l’établissement des Européens en Amérique, les confédérés détruisirent[1] les Ériés, ou Indiens du Chat, qui vivoient au sud du lac Érié. Mais les nations qui possédoient nos provinces occidentales, avant les Iroquois, avoient-elles élevé ces fortifications pour les protéger contre les ennemis qui venoient les attaquer, ou bien, des peuples plus anciens les ont-ils construites ? Ce sont des mystères que la sagacité humaine ne peut pénétrer. Je ne prétends pas décider non plus si les Ériés, ou leurs prédécesseurs, ont dressé ces ouvrages pour la défense de leur territoire ;

  1. Vers 1655.