Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/269

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but est plutôt négatif, et nous chercherons à réduire à leur juste valeur les notions exagérées que les Américains se sont formées de ces restes d’une civilisation antérieure à l’arrivée des colonies européennes. Le déluge, l’Atlantide avec ses empires, les Celtes, les Phéniciens, les dix tribus d’Israël, les Scandinaves, même la migration des peuples aztèques, lorsqu’ils fondèrent le royaume d’Anahuac, ne nous paroissent pas présenter des rapports nécessaires avec ces monuments d’une nature simple et rustique, mais surtout locale. Considérons de sang-froid tous les caractères de ces monuments et des objets qu’on a trouvés dans leur enceinte ; le lecteur judicieux formera ensuite lui-même son opinion.

Forme et situation des enceintes.

Rien dans l’élévation des remparts ni dans le choix des positions n’indique chez le peuple auteur de ces enceintes un caractère plus belliqueux ni un degré de puissance supérieur à ce qu’on verroit encore chez les tribus iroquoises, chipperaies ou autres, si elles jouissoient de leur liberté entière, loin de la suprématie des Anglo-Américains. Ces enceintes ne sont nullement comparables aux Théocallis du Mexique ni pour l’élévation ni pour la masse. Le seul trait de régularité, c’est la réunion d’une enceinte carrée avec une autre circulaire, surtout Point-Creek et Marietta, près Newark, et cette circonstance a probablement fait naître l’idée d’une destination religieuse. Nous trouvons bien plus naturel de considérer dans les trois cas indiqués le fort rond comme la demeure du cacique et de sa famille, tandis que l’enceinte carrée paroît avoir enfermé les huttes de la peuplade. C’est ainsi que dans le Siam, dans le Japon et dans les îles océaniques nous trouvons la famille régnante logée dans des enceintes séparées, et pourtant attenantes aux villes ou villages. Les fortifications sur le Petit-Miami offrent des entrées extrêmement étroites, et disposées de manière qu’un ennemi ne puisse pas facilement les reconnoître. Si on suppose l’ensemble de l’enceinte entourée de broussailles, ce sont les clôtures des villages décrites par Gili, dans sa description de la Guyane. Enfin, tous ces forts sont placés de manière à avoir deux sorties, l’une sur l’eau, l’autre sur les champs, ce qui achève de leur donner le caractère de villages fortifiés. Si c’étoient des temples, ils seroient en moindre nombre et dans des positions plus saillantes.

Mais nous ne prétendons pas adopter exclusivement cette explication. Le fort rond de Circleville, étant égal en superficie à l’enceinte