Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/42

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loi existoit en France, nous aurions les plus beaux chemins de l’Europe.

Les sauvages de ces îles enchantées, qu’admirèrent Juan Fernandès, Anson, Dampier, et tant d’autres navigateurs, se sont transformés en matelots anglois. Un avis de la Gazette de Sidney, dans la Nouvelle-Galles, annonce qire les insulaires d’Otaïti et de la Nouvelle-Zélande, Roni, Paoutou, Popoti, Tiapoa, Moaï, Topa, Ficou, Aiyong et Haouho, vont partir du port Jackson dans des navires de la colonie.

Enfin, parmi ces glaces de notre pôle, d’où sortirent avec tant de peine et de dangers Gmelin, Ellis, Frédéric Martens, Philipp, Davis, Gilbert, Hudson, Thomas Button, Baffin, Fox, James, Munk, Jacob May, 0win, Koscheley ; parmi ces glaces où d’infortunés Hollandois, demi-morts de froid et de faim, passèrent l’hiver au fond d’une caverne qu’assiégeoient les ours ; dans ces mêmes régions polaires, au milieu d’une nuit de plusieurs mois, le capitaine Parry, ses officiers et son équipage, pleins de santé, chaudement enfermés dans leur vaisseau, ayant des vivres en abondance, jouoient la comédie, exécutoient des danses et représentoient des mascarades : tant la civilisation perfectionnée a rendu la navigation sûre, a diminué les périls de toutes espèces, a donné à l’homme les moyens de braver l’intempérie des climats !

Dans le voyage même qui vient à la suite de cette préface, je parlerai des changements arrivés en Amérique. Je remarquerai seulement ici les résultats différents qu’ont eus pour le monde les découvertes de Colomb et celles de Gama.

L’espèce humaine n’a retiré que peu de bonheur des travaux du navigateur portugais. Les sciences, sans doute, ont gagné à ces travaux ; des erreurs de géographie et de physique ont été détruites ; les pensées de l’homme se sont agrandies à mesure que la terre s’est étendue devant lui ; il a pu comparer davantage en visitant plus de peuples ; il a pris plus de considération pour lui-même en voyant ce qu’il pouvoit faire ; il a senti que l’espèce humaine croissoit ; que les générations passées étoient mortes enfants : ces connoissances, ces pensées, cette expérience, cette estime de soi, sont entrées comme éléments généraux dans la civilisation ; mais aucune amélioration politique ne s’est opérée dans les vastes régions où Gama vint plier ses voiles ; les Indiens n’ont fait que changer de maîtres. La consommation des denrées de leur pays, diminuée en Europe par l’inconstance des goûts et des modes, n’est plus même un objet de lucre : on ne courroit pas maintenant au bout du monde pour chercher ou pour s’emparer d’une île qui porteroit le muscadier. Les productions de l’Inde ont été d’ailleurs ou