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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/200

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CHAPITRE XXXIV.
QUE LA POLICE GÉNÉRALE N’EST D’AUCUNE UTILITÉ.

Il faudroit certes que la police générale rendît de grands services sous d’autres rapports pour racheter des inconvénients d’une telle nature ; et néanmoins à l’examen des faits on voit que cette police est inutile. Quelle conspiration importante a-t-elle jamais découverte, même sous Buonaparte ? Elle laissa faire le 3 nivôse ; elle laissa Mallet conduire MM. Pasquier et Savary, c’est-à-dire la police même, à La Force. Sous le roi elle a permis pendant dix mois à une vaste conspiration de se former autour du trône : elle ne voyoit rien, elle ne savoit rien. Les paquets de Napoléon voyageoient publiquement par la poste, les courriers étoient à lui ; les frères Lallemand marchoient avec armes et bagages ; le Nain Jaune parloit des plume de Cannes ; l’usurpateur venoit de débarquer dans ce port, et la police ignoroit tout. Depuis le retour du roi tout un département s’est rempli d’armes, des paysans se sont formés en corps et ont marché contre une ville ; et la police générale n’a rien empêché, rien trouvé, rien su, rien prévu. Les découvertes les plus importantes ont été dues à des polices particulières, au hasard, à la bonne volonté de quelques zélés citoyens. La police générale se plaint de ces polices particulières ; elle a raison, mais c’est son inutilité et la crainte même qu’elle inspire qui les ont fait naître ; car si elle ne sauve pas l’État, elle a du moins tous les moyens de le perdre.

CHAPITRE XXXV.
QUE LA POLICE GÉNÉRALE, INCONSTITUTIONNELLE ET INUTILE, EST DE PLUS TRÈS-DANGEREUSE.

Incompatible avec le gouvernement constitutionnel, insuffisante pour arrêter les complots, lors même qu’elle ne trahit pas, que sera-ce si vous supposez la police infidèle ? Et ce qu’il y a d’incroyable et de prouvé, c’est qu’elle peut être infidèle sans que son chef le soit lui-même.

Les secrets du gouvernement sont entre les mains de la police ; elle connoît les parties foibles et le point où l’on peut attaquer. Un ordre sorti de ses bureaux suffit pour enchaîner toutes les forces légales ; elle