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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/209

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aucune idole. Ainsi la sentence qu’ils avoient portée retomboit sur eux ; car, s’étant tenus noblement à l’écart dans les temps de bassesse, ils se déclaroient par leur propre système incapables d’être ministres : il est vrai que leur exemple a justifié leur doctrine.

Au reste, rien n’est plus commun que de voir la vanité blessée embrasser, contre son propre intérêt, les plus étranges opinions. Quiconque aujourd’hui, par exemple, fait une faute passe aussitôt dans le système révolutionnaire. Les amours-propres humiliés se donnent rendez-vous sous ce grand abri de tous les crimes et de toutes les folies : là se rencontrent la plupart des hommes qui se sont mêlés plus ou moins des affaires de France depuis 1789 jusqu’à 1816. Différents, sans doute, par une foule de rapports, ils se touchent du moins dans ce point : mécontents d’eux-mêmes et des autres, ils mettent en commun les remords de la médiocrité et ceux du crime.

CHAPITRE III.
ACTES DU PREMIER MINISTÈRE.

Ce ministère étoit pourtant trop spirituel pour prétendre marcher sans la majorité : il l’eut, et n’en profita pas. Une seule loi importante, la loi sur la liberté de la presse, fut proposée. On ne donna que des motifs puérils pour engager les chambres à la supprimer ; il ne fut question que de l’honneur des femmes, des insultes au pouvoir (c’est-à-dire aux ministres) ; mais des raisons générales et constitutionnelles, point. Étoient-ce, en effet, des raisons dignes seulement d’être examinées pour ceux qui ne voient dans les deux chambres qu’un conseil passif sans action et sans droit ? Au reste, la loi ne réprimoit rien, et donnoit au gouvernement l’apparence de l’arbitraire, en laissant tout empire à la licence.

Quant aux ordonnances, il n’y en eut qu’une remarquable, et, au lieu de régler l’éducation, elle la bouleversa.

Les chambres eurent alors l’avantage des bonnes propositions opposées aux mauvais projets de loi. La seule vue vraiment grande et politique autant qu’elle est juste et généreuse, présentée dans la session de 1814, appartient à un maréchal de France.

Le premier ministère fut emporté par la tempête qu’il avoit laissée se former, et cette tempête fut sur le point d’emporter la France.