Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chambres avoient été renvoyées immédiatement après le rapport sur le budget à la chambre des pairs ; et les députés, sans pouvoir répondre, étoient retournés chez eux, chacun avec un acte d’accusation dans la poche : cependant la vérité a été connue.

Trompé comme on l’est dans les cercles de Paris, où chacun ne voit et n’entend que sa coterie, où l’on prend ce qu’on désire pour la vérité, où l’on est la dupe des bruits et des opinions que l’on a soi-même répandus, où la flatterie attaque le dernier commis comme le premier ministre, on disoit avec une généreuse pitié que le ministère seroit obligé de protéger les députés quand ils retourneroient dans les provinces ; que ces malheureux seroient insultés, bafoués, maltraités par le peuple : Ride, si sapis !

Il me semble que les départements commencent à se soustraire à cette influence de Paris, qui les a dominés depuis la révolution et qui date de loin en France. Lorsque le duc de Guise le Balafré montroit à sa mère la liste des villes qui entroient dans la ligue : « Ce n’est rien que tout cela, mon fils, disoit la duchesse de Nemours : si vous n’avez Paris, vous n’avez rien. »

Que l’administration, par maladresse, accroisse aujourd’hui le dissentiment entre les provinces et Paris, il en résultera une grande révolution pour la France.

CHAPITRE XXVI.
CONSEILS DES DÉPARTEMENTS.

Le sophisme engendre l’illusion ; l’illusion détrompée produit l’humeur, anime l’amour-propre : on se pique au jeu. Il seroit plus simple de dire : J’ai tort, et de revenir ; mais on ne le fait pas.

Les départements avoient bien reçu leurs députés ; cette réception tendoit à prouver que l’opinion étoit royaliste, mais il restoit une ressource : les conseils des départements alloient s’assembler. S’ils se plaignoient des députés ou ne montroient pour leurs travaux que de l’indifférence, le triomphe étoit encore possible. On eût fait valoir les adresses des conseils ; on se seroit écrié : « Vous le voyez ! nous vous l’avions bien dit. Voilà la véritable opinion de la France. Êtes-vous maintenant convaincus que la chambre n’a point été choisie dans le sens de l’opinion générale, opinion qui est toute dans les intérêts révolutionnaires ? Écoutez les conseils généraux : ils sont les organes de l’opinion publique. »