semer de pareilles alarmes, la France, à l’arrivée des Bourbons, alloit devenir le théâtre des réactions et des vengeances. Que pourroient-elles dire aujourd’hui ? Quoi ! pas une exécution, pas un emprisonnement, pas un exil pour consoler leurs prophéties ! Au retour de Charles II en Angleterre, le parlement fit mettre en jugement plusieurs coupables. Au retour de Louis XVIII en France, tout le monde conserve la vie, la fortune, la liberté, rien pour de certains hommes n’est perdu, fors l’honneur ! Quelque opinion que l’on ait, ou que l’on ait eue, on convient généralement que jamais la France n’a été aussi heureuse à aucune époque que dans les quatre mois qui se sont écoulés depuis le rétablissement de la monarchie. Il n’y a aucun François qui ne porte en lui-même le sentiment de son affranchissement et de sa pleine liberté. Chacun s’endort, sûr de n’être pas réveillé au milieu de la nuit, pour être traîné par des espions à la police, ou par des gendarmes à un tribunal militaire. Le propriétaire sait qu’il conservera son bien, la mère son enfant : elle ne tremble plus dans la crainte de voir chaque matin, au coin de la rue, afficher quelque nouvelle conscription. Le fermier, l’artisan, ne se mettent plus d’avance à la torture, pour savoir comment ils rachèteront le seul fils qui leur reste ; le conscrit, qui ne le sera plus, ne songe plus à se mutiler pour se dérober à la mort. Les taxes seules pèsent encore sur la France ; mais du moins on est certain qu’elles seront réduites dans un temps donné, qu’elles ne seront point imposées arbitrairement par la première autorité de l’État, et jusque par des préfets, des sous-préfets, des maires et des adjoints. L’État a des dettes, il faut bien les payer. Et qui les a contractées, ces dettes ? Est-ce le roi ou l’homme de l’île d’Elbe ? Si le roi avoit voulu dire : « Je ne suis pas obligé de reconnoître les dettes de Buonaparte ; la fortune que la plupart des fournisseurs ont faite les dédommagera assez de la perte qu’ils éprouveront, » qu’auroit-on eu à répondre ? Mais le roi a cru qu’il y alloit de son honneur, comme de celui de la France, d’acquitter scrupuleusement toute dette qui pouvoit être regardée comme dette de l’État ; et par cette bonne foi digne d’un descendant de Henri IV il donne à la France un crédit qui doublera la fortune publique.
Ainsi, les grands malheurs dont nous menaçoit le retour des Bourbons se réduisent à quelques murmures ; et ces murmures, quand on veut aller au fond de la chose, naissent tous de quelque espérance trompée, de quelque place qu’on demandoit et qu’on n’a pas obtenue. La moitié de la France, sous le despotisme qui vient de finir, étoit payée par l’autre. Le moyen de soutenir un pareil abus ! Buonaparte lui-même, s’il fût resté sur le trône sans être le maître de