Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE IX.
S’IL EST VRAI QU’ON SOIT PLUS INQUIET AUJOURD’HUI QU’ON NE L’ÉTOIT AU MOMENT DE LA RESTAURATION.

« Au retour des Bourbons, dit-on encore, la joie fut universelle ; il n’y eut qu’une opinion, qu’un sentiment : les anciens républicains, particulièrement opprimés, applaudirent franchement à la restauration. Aujourd’hui les partis renaissent, cette heureuse confiance est ébranlée, etc. » Nous avons été aussi témoin des premiers moments de la restauration, et nous avons observé précisément le contraire de ce que l’on avance ici. Sans doute il y eut du bonheur, de la joie à l’arrivée des Bourbons ; mais il s’y mêloit beaucoup d’inquiétude. Les anciens républicains étoient bien loin surtout d’être si satisfaits, d’applaudir avec tant de cordialité. Plusieurs d’entre eux songeoient à se retirer, et avoient tout préparé pour la fuite. Et en quoi avoient-ils été particulièrement opprimés sous Buonaparte ? Ils jouissoient d’une grande fortune ; ils occupoient les premières places de l’État. Quoi ! c’étoient les Bourboniens, les royalistes qui jouissoient de la faveur sous la tyrannie ? On croit rêver.

La vérité est que la confiance ne fut point entière au premier moment du retour du roi : beaucoup de gens étoient alarmés, les provinces même agitées, incertaines, divisées ; l’armée ne savoit si on lui compteroit ses souffrances et ses victoires ; on craignoit les fers, on redoutoit les vengeances.

Mais peu à peu le caractère du roi étant mieux connu, les frayeurs se calmèrent ; on vit luire l’aurore d’une paix et l’espérance d’un bonheur sur lesquels on ne comptoit presque plus. Rassurés sur les opinions qu’on avoit eues, sur les votes que l’on avoit émis, tous les partis placèrent dans le monarque une juste confiance.

Depuis ce temps le roi n’a cessé de prendre de nouvelles forces, et la France de marcher vers la prospérité. Chaque jour le très-petit nombre d’opposants diminue ; les contes absurdes, les terreurs populaires, s’évanouissent ; le commerce renaît, les manufactures refleurissent, les impôts se payent, une immense dette est comblée ; l’armée n’a plus qu’un seul et même esprit ; les prisonniers et les soldats licenciés sont retournés au sein de leurs familles ; les officiers, avec une retraite honorable, jouissent dans leurs foyers de l’admiration due à leur courage ; la conscription, abolie, ne fait plus trembler les mères ; la plus entière