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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/87

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troubler, le suivent aujourd’hui au milieu de ses prospérités. On lui adresse une apologie de la mort de son frère, il la lit, fait quelques observations, et la renvoie à son auteur. Et pourtant il est roi ! et pourtant il pleure tous les jours en secret la mort de ce frère ! En entrant pour la première fois aux Tuileries, le jour de son arrivée à Paris, il se jeta à genoux : « Ô mon frère, s’écria-t-il, que n’avez-vous vu cette journée ! Vous en étiez plus digne que moi. » Quand on s’approche de lui, il a toujours l’air de vous dire : « Où pourriez-vous trouver un meilleur père ? Laissez-moi panser vos blessures ; j’oublie les miennes pour ne songer qu’aux vôtres. Est-ce à mon âge, après mes malheurs, que je puis aimer le trône pour moi-même ? Je suis là pour vous, et je veux vous rendre aussi heureux que vous avez été infortunés. »

Quiconque jette les yeux autour de soi, au dedans et au dehors, et ne comble pas de bénédictions le prince que le ciel nous a rendu, n’est pas digne d’être gouverné par un tel prince.

CHAPITRE X.
SI LE ROI DEVOIT REPRENDRE LES ANCIENNES FORMULES DANS LES ACTES ÉMANÉS DU TRÔNE.

Vient ensuite un autre genre de plaintes : comme des enfants gâtés à qui l’on ne refuse rien, nous ne savons à qui nous en prendre de notre bonheur. « Le roi a voulu recevoir la couronne comme un héritage, et non comme un don du peuple ; il s’est donné le titre de roi de France, et non de roi des François ; il a repris l’ancienne formule : Par la grâce de Dieu, etc. »

Nous voulons une monarchie, ou nous n’en voulons point. Si nous la voulons, désirons-nous qu’elle soit élective ? Dans ce cas, nous avons raison de trouver mauvais que le roi ait daté sa Charte de l’an dix-neuvième de son règne, et de s’appeler Louis XVIII. Mais si, connoissant les inconvénients de la monarchie élective, nous revenons à la monarchie héréditaire, incontestablement la meilleure de toutes, le roi a dû dire : « Je règne parce que mes ancêtres ont régné ; je règne par les droits de ma naissance, sauf à moi à convenir avec mes peuples d’une forme d’institution qui régularise mon pouvoir, assure la liberté civile et politique et soit agréable à tous. » Rien alors n’est plus conséquent que la conduite du roi : nous ne sommes point une répu-