Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anciennes cette dignité qui naît de la raison, et les idées anciennes prêteront aux nouvelles cette majesté qui vient du temps.

La Charte n’est donc point une plante exotique, un accident fortuit du moment ; c’est le résultat de nos mœurs présentes ; c’est un traité de paix signé entre les deux partis qui ont divisé les François : traité où chacun des deux abandonne quelque chose de ses prétentions pour concourir à la gloire de la patrie.

CHAPITRE XIV.
OBJECTIONS DES CONSTITUTIONNELS CONTRE LA CHARTE. DE L’INFLUENCE MINISTÉRIELLE ET DE L’OPPOSITION.

« Mais, disent les constitutionnels, la Charte est incomplète : il faudroit que la chambre des pairs fût héréditaire, que l’on pût entrer plus jeune à la chambre des députés, qu’il y eût un ministère et non pas des ministres[1], que les ministres fussent membres des deux chambres, que ces ministres fussent de bonne foi ; que l’opposition ne fût pas une opposition sans richesses, sans pouvoir, sans influence, sans moyen de contre-balancer l’influence ministérielle. Qu’est-ce qu’une ancienne et une nouvelle noblesse conservée ? Qu’est-ce que des lettres d’anoblissement, lorsque par le fait il n’y a qu’une noblesse politique ? »

Les François auront-ils toujours cette impatience déplorable qui ne leur permet de rien attendre de l’expérience et du temps ? Quoi ! depuis le printemps dernier il n’y a pas eu assez de miracles ! Tout doit être aujourd’hui complet, parfait, achevé. La constitution angloise est le fruit de plusieurs siècles d’essais et de malheurs, et nous en voulons une sans défaut dans six mois ! On ne se contente pas de toutes les garanties qu’offre la Charte, de ces grandes et premières bases de nos libertés ; il faut sur-le-champ arriver à la perfection : tout est perdu parce qu’on n’a pas tout. Au milieu d’une invasion, dans les dangers et dans les mouvements d’une restauration subite, on voudroit que le roi eût eu le temps de porter ses regards autour de lui, pour découvrir les éléments de ces choses que l’on réclame ! Devoit-il tout précipiter ? Ce qu’il a osé faire même n’est-il pas prodigieux ?

  1. J’ai proposé toutes ces améliorations à Gand, dans mon Rapport sur l’état de la France : on a fait droit depuis à ce que je demandois alors. On voit du moins mu fidélité à mes idées. Voyez ci-après le Rapport au roi.