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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/137

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doit devancer l’éducation, prévenir le raisonnement, se montrer dès l’enfance : or, les enfants n’ont point l’idée de Dieu : donc, etc. "

Dieu étant esprit, et ne pouvant être entendu que par l’esprit, un enfant chez qui la pensée n’est pas encore développée ne saurait concevoir le souverain Etre. Ne demandons point au cœur sa fonction la plus noble lorsqu’il n’est pas achevé, lorsque le merveilleux ouvrage est encore entre les mains de l’ouvrier.

Mais d’ailleurs on peut soutenir que l’enfant a du moins l’instinct de son Créateur, Nous en prenons à témoin ses petites rêveries, ses inquiétudes, ses craintes dans la nuit, son penchant à lever les yeux vers le ciel. Un enfant joint ses deux mains innocentes et répète après sa mère une prière au bon Dieu : pourquoi ce jeune ange de la terre balbutie-t-il avec tant d’amour et de pureté le nom de ce souverain Etre qu’il ne connaît pas ?

Voyez ce nouveau-né qu’une nourrice porte dans ses bras. Qu’a-t-il pour donner tant de joie à ce vieillard, à cet homme fait, à cette femme ? Deux ou trois syllabes à demi formées, que personne n’a comprises : et voilà des êtres raisonnables transportés d’allégresse, depuis l’aïeul, qui sait toutes les choses de la vie, jusqu’à la jeune mère, qui les ignore encore ! Qui donc a mis cette puissance dans le verbe de l’homme ? Pourquoi le son d’une voix humaine vous remue-t-il si impérieusement ? Ce qui vous subjugue ici est un mystère qui tient à des causes plus relevées qu’à l’intérêt qu’on peut prendre à l’âge de cet enfant : quelque chose vous dit que ces paroles inarticulées sont les premiers bégaiements d’une pensée immortelle.


Chapitre V - Danger et inutilité de l’Athéisme

Il y a deux sortes d’athées bien distinctes : les premiers, conséquents dans leurs principes, déclarent sans hésiter qu’il n’y a point de Dieu, par conséquent point de différence essentielle entre le bien et le mal ; que le monde appartient aux plus forts et aux plus habiles, etc. Les seconds sont les honnêtes gens de l’athéisme, les hypocrites de l’incrédulité : absurdes personnages, qui avec une douceur feinte se porteraient à tous les excès pour soutenir leur système ; ils vous appelleraient mon frère en vous égorgeant ; les mots de morale et d’humanité sont incessamment dans leur bouche : ils sont triplement méchants, car