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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/279

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" Son fils bien aimé l’admire, et se hâte de détourner sa vue, dans la crainte que ce ne soit un dieu. Faisant un effort pour parler, il lui adresse rapidement ces mots : Etranger, tu me parais bien différent de ce que tu étais avant d’avoir ces habits, et tu n’es plus semblable à toi-même. Certes, tu es quelqu’un des dieux habitants du secret Olympe ; mais sois-nous favorable, nous t’offrirons des victimes sacrées et des ouvrages d’or merveilleusement travaillés.

" Le divin Ulysse, pardonnant à son fils, répondit : Je ne suis point un dieu. Pourquoi me compares-tu aux dieux ? Je suis ton père, pour qui tu supportes mille maux et les violences des hommes. Il dit, et il embrasse son fils, et les larmes qui coulent le long de ses joues viennent mouiller la terre ; jusqu’alors il avait eu la force de les retenir. "

Nous reviendrons sur cette reconnaissance ; il faut voir auparavant celle de Joseph et de ses frères.

Joseph, après avoir fait mettre une coupe dans le sac de Benjamin, ordonne d’arrêter les enfants de Jacob ; ceux-ci sont consternés. Joseph feint de vouloir retenir le coupable : Juda s’offre en otage pour Benjamin ; il raconte à Joseph que Jacob lui avait dit, avant de partir pour l’Égypte :

" Vous savez que j’ai eu deux fils de Rachel, ma femme.

L’un d’eux étant allé aux champs, vous m’avez dit qu’une bête l’avait dévoré ; il ne paraît point jusqu’à cette heure.

Si vous emmenez encore celui-ci, et qu’il lui arrive quelque accident dans le chemin, vous accablerez ma vieillesse d’une affliction qui la conduira au tombeau.

Joseph ne pouvant plus se retenir, et parce qu’il était environné de plusieurs personnes, il commanda que l’on fît sortir tout le monde, afin que nul étranger ne fût présent lorsqu’il se ferait reconnaître de ses frères.

Alors les larmes lui tombant des yeux, il éleva fortement sa voix, qui fut entendue des Egyptiens et de toute la maison de Pharaon.

Il dit à ses frères : Je suis Joseph : mon père vit-il encore ? Mais ses frères ne purent lui répondre, tant ils étaient saisis de frayeur.

Il leur parla avec douceur, et leur dit : Approchez-vous de moi ; et s’étant approchés de lui, il ajouta : Je suis Joseph votre frère, que vous avez vendu pour l’Égypte.

Ne craignez point. Ce n’est point par votre conseil que j’ai été envoyé ici, mais par la volonté de Dieu. Hâtez-vous d’aller trouver mon père.

"… Et s’étant jeté au cou de Benjamin, son frère, il pleura, et Benjamin pleura aussi en le tenant embrassé.

Joseph embrassa aussi tous ses frères, et il pleura sur chacun d’eux[1]. "

  1. Genèse, chap. XLIV, v. 27 et suiv. ; chap. XLV, v. 1 et suiv.(N.d.A.)