Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/37

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pu, à la rigueur, avoir une famille au milieu de cette société sainte, qui était déjà sa famille ; il n’aurait point été détourné par ses propres enfants du soin de ses autres brebis, puisqu’ils auroient fait partie du troupeau ; il n’auroit pu trahir pour eux les secrets du pécheur, puisqu’on n’avoit point de crimes à cacher, et que les confessions se faisoient à haute voix dans ces basiliques de la mort&nbsp,[1] où les fidèles s’assembloient pour prier sur les cendres des martyrs. Ces chrétiens avoient reçu du Ciel un sacerdoce que nous avons perdu. C’était moins une assemblée du peuple qu’une communauté de lévites et de religieuses : le baptême les avoit tous créés prêtres et confesseurs de Jésus-Christ.

Saint Justin le Philosophe, dans sa première Apologie, fait une admirable description de la vie des fidèles de ce temps-là : « On nous accuse, dit-il, de troubler la tranquillité de l’État, et cependant un des principaux dogmes de notre foi est que rien n’est caché aux yeux de Dieu et qu’il nous jugera sévèrement un jour sur nos bonnes et nos mauvaises actions ; mais, ô puissant empereur ! les peines mêmes que vous avez décernées contre nous ne font que nous affermir dans notre culte, puisque toutes ces persécutions nous ont été prédites par notre maître, fils du souverain Dieu, père et seigneur de l’univers.

« Le jour du soleil (le dimanche), tous ceux qui demeurent à la ville et à la campagne s’assemblent en un lieu commun. On lit les saintes Écritures ; un ancien[2] exhorte ensuite le peuple à imiter de si beaux exemples. On s’élève, on prie de nouveau ; on présente l’eau, le pain et le vin ; le prélat fait l’action de grâces, l’assistance répond Amen. On distribue une partie des choses consacrées, et les diacres portent le reste aux absents. On fait une quête ; les riches donnent ce qu’ils veulent. Le prélat garde ces aumônes pour en assister les veuves, les orphelins, les malades, les prisonniers, les pauvres, les étrangers, en un mot, tous ceux qui sont dans le besoin, et dont le prélat est spécialement chargé. Si nous nous réunissons le jour du soleil, c’est que Dieu fit le monde ce jour-là, et que son Fils ressuscita à pareil jour, pour confirmer à ses disciples la doctrine que nous vous avons exposée.

« Si vous la trouvez bonne, respectez-la ; rejetez-la, si elle vous semble méprisable : mais ne livrez pas pour cela aux bourreaux des gens qui n’ont fait aucun mal : car nous osons vous annoncer que vous n’éviterez pas le jugement de Dieu, si vous demeurez dans l’injustice. Au reste, quel que soit notre sort, que la volonté de Dieu soit

  1. S. Hieron.
  2. Un prêtre.