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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/422

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toucher par le tableau des souffrances des chrétiens ; il a voulu leur arracher une couronne de martyre qui les rendait intéressants aux cœurs sensibles, et leur ravir jusqu’au charme de leurs pleurs.

Ainsi nous avons tracé le tableau de la hiérarchie apostolique : joignez-y le clergé régulier, dont nous allons bientôt nous entretenir, et vous aurez l’Église entière de Jésus-Christ. Nous osons l’avancer : aucune autre religion sur la terre n’a offert un pareil système de bienfaits, de prudence et de prévoyance, de force et de douceur, de lois morales et de lois religieuses. Rien n’est plus sagement ordonné que ces cercles qui, partant du dernier chantre de village, s’élèvent jusqu’au trône pontifical, qu’ils supportent et qui les couronne. L’Église ainsi, par ses différents degrés, touchait à nos divers besoins : arts, lettres, sciences, législation, politique, institutions littéraires, civiles et religieuses, fondations pour l’humanité, tous ces magnifiques bienfaits nous arrivaient par les rangs supérieurs de la hiérarchie, tandis que les détails de la charité et de la morale étaient répandus par les degrés inférieurs chez les dernières classes du peuple. Si jadis l’Église fut pauvre, depuis le dernier échelon jusqu’au premier, c’est que la chrétienté était indigente comme elle. Mais on ne saurait exiger que le clergé fût demeuré pauvre quand l’opulence croissait autour de lui. Il aurait alors perdu toute considération, et certaines classes de la société avec lesquelles il n’aurait pu vivre se fussent soustraites à son autorité morale. Le chef de l’Église était prince, pour pouvoir parler aux princes ; les évêques, marchant de pair avec les grands, osaient les instruire de leurs devoirs ; les prêtres séculiers et réguliers, au-dessus des nécessités de la vie, se mêlaient aux riches, dont ils épuraient les mœurs, et le simple curé se rapprochait des pauvres, qu’il était destiné à soulager par ses bienfaits et à consoler par son exemple.

Ce n’est pas que le plus indigent des prêtres ne pût aussi instruire les grands du monde et les rappeler à la vertu ; mais il ne pouvait ni les suivre dans les habitudes de leur vie, comme le haut clergé, ni leur tenir un langage qu’ils eussent parfaitement entendu. La considération même dont ils jouissaient venait en partie des ordres supérieurs de l’Église. Il convient d’ailleurs à de grands peuples d’avoir un culte honorable et des autels où l’infortuné puisse trouver des secours.

Au reste, il n’y a rien d’aussi beau dans l’histoire des institutions civiles et religieuses que ce qui concerne l’autorité, les devoirs et l’investiture du prélat parmi les chrétiens. On y voit la parfaite image du pasteur des peuples et du ministre des autels. Aucune classe