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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/429

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par une certaine pudeur craintive qui fait qu’ils aiment à habiter en eux-mêmes ; enfin, il est des âmes trop excellentes qui cherchent en vain dans la nature les autres âmes auxquelles elles sont faites pour s’unir, et qui semblent condamnées à une sorte de virginité morale ou de veuvage éternel.

C’était surtout pour ces âmes solitaires que la religion avait élevé ses retraites.


Chapitre IV - Des Constitutions monastiques

On doit sentir que ce n’est pas l’histoire particulière des ordres religieux que nous écrivons, mais seulement leur histoire morale.

Ainsi, sans parler de saint Antoine, père des cénobites, de saint Paul, premier des anachorètes, de sainte Synclétique, fondatrice des monastères de filles ; sans nous arrêter à l’ordre de Saint-Augustin qui comprend les chapitres connus sous le nom de réguliers ; à celui de Saint-Basile, adopté par les religieux et les religieuses d’Orient, à la règle de Saint-Benoît, qui réunit la plus grande partie des monastères occidentaux ; à celle de Saint-François, pratiquée par les ordres mendiants, nous confondrons tous les religieux dans un tableau général, où nous tâcherons de peindre leurs costumes, leurs usages, leurs mœurs, leur vie active ou contemplative et les services sans nombre qu’ils ont rendus à la société.

Cependant nous ne pouvons nous empêcher de faire une observation. Il y a des personnes qui méprisent, soit par ignorance, soit par préjugés, ces constitutions sous lesquelles un grand nombre de cénobites ont vécu depuis plusieurs siècles. Ce mépris n’est rien moins que philosophique, et surtout dans un temps où l’on se pique de connaître et d’étudier les hommes. Tout religieux qui, au moyen d’une haire et d’un sac, est parvenu à rassembler sous ses lois plusieurs milliers de disciples, n’est point un homme ordinaire, et les ressorts qu’il a mis en usage, l’esprit qui domine dans ses institutions, valent bien la peine d’être examinés.

Il est digne de remarque, sans doute, que de toutes ces règles monastiques les plus rigides ont été les mieux observées : les chartreux ont donné au monde l’unique exemple d’une congrégation qui a existé sept cents ans sans avoir besoin de réforme Ce qui prouve que plus le législateur combat les penchants naturels, plus il assure la durée de son ouvrage. Ceux au contraire qui prétendent élever des sociétés