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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/448

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du cœur humain. Ils respectèrent les usages des Chinois, et s’y conformèrent en tout ce qui ne blessait les lois évangéliques. Ils furent traversés de tous côtés. " Bientôt la jalousie, dit Voltaire, corrompit les fruits de leur sagesse, et cet esprit d’inquiétude et de contention attaché en Europe aux connaissances et aux talents renversa les plus grands desseins[1]. "

Ricci suffisait à tout. Il répondait aux accusations de ses ennemis en Europe, il veillait aux églises naissantes de la Chine. Il donnait des leçons de mathématiques, il écrivait en chinois des livres de controverse contre les lettrés qui l’attaquaient, il cultivait l’amitié de l’empereur, et se ménageait à la cour, où sa politesse le faisait aimer des grands. Tant de fatigues abrégèrent ses jours. Il termina à Pékin une vie de cinquante-sept années, dont la moitié avait été consumée dans les travaux de l’apostolat.

Après la mort du père Ricci, sa mission fut interrompue par les révolutions qui arrivèrent à la Chine. Mais lorsque l’empereur tartare Cun-chi monta sur le trône, il nomma le père Adam Schall président du tribunal des mathématiques. Cun-chi mourut, et pendant la minorité de son fils, Cang-hi, la religion chrétienne fut exposée à de nouvelles persécutions.

A la majorité de l’empereur, le calendrier se trouvant dans une grande confusion, il fallut rappeler les missionnaires. Le jeune prince s’attacha au père Verbiest, successeur du père Schall. Il fit examiner le christianisme par le tribunal des états de l’empire, et minuta de sa propre main le mémoire des Jésuites. Les juges, après un mûr examen, déclarèrent que la religion chrétienne était bonne, qu’elle ne contenait rien de contraire à la pureté des mœurs et à la prospérité des empires.

Il était digne des disciples de Confucius de prononcer une pareille sentence en faveur de la loi de Jésus-Christ. Peu de temps après ce décret, le père Verbiest appela de Paris ces savants Jésuites qui ont porté l’honneur du nom français jusqu’au centre de l’Asie.

Le Jésuite qui partait pour la Chine s’armait du télescope et du compas. Il paraissait à la cour de Pékin avec l’urbanité de la cour de Louis XIV et environné du cortège des sciences et des arts. Déroulant des cartes, tournant des globes, traçant des sphères, il apprenait aux mandarins étonnés et le véritable cours des astres et le véritable nom de celui qui les dirige dans leurs orbites. Il ne dissipait les erreurs de la physique que pour attaquer celles de la morale ; il replaçait

  1. Essai sur les Mœurs, chap. CXCV. (N.d.A.)