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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/465

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pour arranger sa cupidité et sa conscience, ne baptisait ses nègres qu’à l’article de la mort ; souvent même, dans la crainte qu’ils ne revinssent de leur maladie et qu’ils ne réclamassent ensuite, comme chrétiens, leur liberté, il les laissait mourir dans l’idolâtrie[1] : la religion se montre ici aussi belle que l’avarice paraît hideuse.

Le ton sensible et religieux dont les missionnaires parlaient des nègres de nos colonies était le seul qui s’accordât avec la raison et l’humanité. Il rendait les maîtres plus pitoyables et les esclaves plus vertueux ; il servait la cause du genre humain sans nuire à la patrie et sans bouleverser l’ordre et les propriétés. Avec de grands mots on a tout perdu ; on a éteint jusqu’à la pitié, car qui oserait encore plaider la cause des noirs après les crimes qu’ils ont commis ? tant nous avons fait de mal ! tant nous avons perdu les plus belles causes et les plus belles choses !

Quant à l’histoire naturelle, le père Dutertre vous montre quelquefois tout un animal d’un seul trait ; il appelle l’oiseau-mouche une fleur céleste ; c’est le vers du père Commire sur le papillon :

Florem putares nare per liquidum aethera.

" Les plumes du flambant ou du flamant, dit-il ailleurs, sont de couleur incarnate ; et quand il vole à l’opposite du soleil, il paraît tout flamboyant comme un brandon de feu[2]. "

Buffon n’a pas mieux peint le vol d’un oiseau que l’historien des Antilles : " Cet oiseau (la frégate) a beaucoup de peine à se lever de dessus les branches ; mais quand il a une fois pris son vol, on lui voit fendre l’air d’un vol paisible, tenant ses ailes étendues sans presque les remuer ni se fatiguer aucunement. Si quelquefois la pesanteur de la pluie ou l’impétuosité des vents l’importune, pour lors il brave les nues, se guinde dans la moyenne région de l’air, et se dérobe à la vue des hommes[3]. "

Il représente la femelle du colibri faisant son nid :

" (…) Elle garde, s’il faut ainsi dire, tout le coton que lui apporte le mâle, et le remue quasi poil à poil avec son bec et ses petits pieds ; puis elle forme son nid, qui n’est pas plus grand que la moitié de la coque d’un œuf de pigeon. A mesure qu’elle élève le petit édifice, elle fait mille petits tours, polissant avec sa gorge la bordure du nid et le dedans avec sa queue.

" (…) Je n’ai jamais pu remarquer en

  1. Hist. des Ant., t. II, p. 503. (N.d.A.)
  2. Hist. des Ant., p. 268. (N.d.A.)
  3. Hist. des Ant., p. 269. (N.d.A.)