Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/51

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Laissons l’athéisme à ceux qui, n’ayant pas assez de noblesse pour s’élever au-dessus des injustices du sort, ne montrent dans leurs blasphèmes que le premier vice de l’homme chatouillé dans sa partie la plus sensible.

Si l’Église a donné la première place à l’orgueil dans l’échelle des dégradations humaines, elle n’a pas classé moins habilement les six autres vices capitaux. Il ne faut pas croire que l’ordre où nous les voyons rangés soit arbitraire : il suffit de l’examiner pour s’apercevoir que la religion passe excellemment de ces crimes qui attaquent la société en général à ces délits qui ne retombent que sur le coupable. Ainsi, par exemple, l’envie, la luxure, l’avarice et la colère, suivent immédiatement l’orgueil, parce que ce sont des vices qui s’exercent sur un sujet étranger et qui ne vivent que parmi les hommes, tandis que la gourmandise et la paresse, qui viennent les dernières, sont des inclinations solitaires et honteuses, réduites à chercher en elles-mêmes leurs principales voluptés.

Dans les vertus préférées par le christianisme, et dans le rang qu’il leur assigne, même connoissance de la nature. Avant Jésus-Christ l’âme de l’homme étoit un chaos ; le Verbe se fit entendre, aussitôt tout se débrouilla dans le monde intellectuel, comme à la même parole tout s’étoit jadis arrangé dans le monde physique : ce fut la création morale de l’univers. Les vertus montèrent comme des feux purs dans les cieux : les unes, soleils éclatants, appelèrent les regards par leur brillante lumière ; les autres, modestes étoiles, cherchèrent la pudeur des ombres, où cependant elles ne purent se cacher. Dès lors on vit s’établir une admirable balance entre les forces et les foiblesses ; la religion dirigea ses foudres contre l’orgueil, vice qui se nourrit de vertus : elle le découvrit dans les replis de nos cœurs, elle le poursuivit dans ses métamorphoses ; les sacrements marchèrent contre lui en une armée sainte, et l’Humilité, vêtue d’un sac, les reins ceints d’une corde, les pieds nus, le front couvert de cendre, les yeux baissés et en pleurs, devint une des premières vertus du fidèle.


CHAPITRE II.

De la Foi.



Et quelles étoient les vertus tant recommandées par les sages de la Grèce ? La force, la tempérance et la prudence. Jésus-Christ seul pouvoit enseigner au monde que la Foi, l’Espérance et la Charité,