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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/61

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main au gré du sort, quelques chrétiens, restés fidèles au milieu des inconstances de la fortune, continuent d’adorer le même Dieu, de se soumettre aux mêmes lois, sans se croire dégagés de leurs liens par les révolutions, le malheur et l’exemple. Quelle religion dans l’antiquité n’a pas perdu son influence morale en perdant ses prêtres et ses sacrifices ? Où sont les mystères de l’antre de Trophonius et les secrets de Cérès-Éleusine ? Apollon n’est-il pas tombé avec Delphes, Baal avec Babylone, Sérapis avec Thèbes, Jupiter avec le Capitole ? Le christianisme seul a souvent vu s’écrouler les édifices où se célébraient ses pompes sans être ébranlé de la chute. Jésus-Christ n’a pas toujours eu des temples, mais tout est temple au Dieu vivant, et la maison des morts, et la caverne de la montagne, et surtout le cœur du juste ; Jésus-Christ n’a pas toujours eu des autels de porphyre, des chaires de cèdre et d’ivoire, et des heureux pour serviteurs ; mais une pierre au désert suffit pour y célébrer ses mystères, un arbre pour y prêcher ses lois, et un lit d’épines pour y pratiquer ses vertus.



FIN DU LIVRE DEUXIÈME.