Page:Chateaubriand - Œuvres complètes t1.djvu/231

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��AV. J.-C. 509. = OL. 67. 161

Solon , prévoyant le danger des spectacles pour les mœurs, disoit à Thespis : « Si nous souffrons vos mensonges, nous les retrouverons bientôt dans les plus saints engagements. »

Jean- Jacques écrivoit à d'Alembert :

« Je crois qu'on peut conclure de ces considéra- tions : que l'efïet moral des théâtres et des spectacles ne sauroit jamais être bon, ni salutaire en lui-

(fous 1 écoutions avec ce plaisir respectueux qu'on sent à en- tendre un homme de lettres supérieur. Sa tête étoit remplie d'anecdotes les plus curieuses , qu'il aimoit peut-être un peu trop à raconter. Comme je n'en retrouve aucune de celles que je lui ai entendu citer, dans la dernière publication de ses ouvrages, il est à croire qu'elles ont été perdues par l'accident dont parle M. Ginguené. Une entre autres qui peint les mœurs du siècle avant la révolution, m'a laissé un long souvenir. «Un homme delà cour (heureusement j'ai oublié son nom), s'amusoit sur les boulevarts à nommer à sa belle-fille , jeune et pleine d'in- nocence , les courtisans qui passoient dans leurs voitures en l'invitant à en prendre un pour amant , lui racontant leurs intrigues avec telle , telle ou telle femme de la société. Et vous croyez, ajouta Chamfort, qu'un pareil ordre moral pou- voit long-temps subsister? »

Chamfort étoit d'une taille au-dessus de la médiocre, an peu courbé , d'une figure pâle , d'un teint maladif. Son œil bleu , souvent froid et couvert dans le repos , lançoit l'éclair , quand il venoit à s'animer. Des narines un peu ouvertes donnoient à sa physionomie l'expression de la sensibilité et de l'énergie. Sa voix étoit flexible , ses modulations suivaient les mouvements de son âme ; mais , dans les derniers temps de mon séjour à Paris , elle avoit pris de l'aspérité , et on y démêloit l'accent agité et impérieux des factions. Je me suis toujours étonné qu'un homme qui avoit tant de connoissance des hommes, eût pu épouser si chaudement une cause quelconque. Ignoroit-il TOME I. 1 1

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