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244 REVOLUTIONS ANCIENNES.

Cependant , il faut l'avouer , ce que nous ga- gnons du côté des sciences , nous le perdons en sentiment. L'àme des anciens aimoit à se plon- ger dans le vague infini; la nôtre est circonscrite par nos connoissances. Quel est l'homme sen- sible qui ne s'est trouvé souvent à l'étroit, dans une petite circonférence de quelques millions de lieues? Lorsque, dans l'intérieur du Canada, je gravissois une montagne, mes regards se portoient toujours à l'Ouest, sur les déserts in- fréquentés qui s'étendent dans cette longitude. A l'Orient, mon imagination rencontroit aussitôt l'Atlantique , des pays parcourus , et je perdois mes plaisirs. Mais, à l'aspect opposé, il m'en prenoit presque aussi mal. J'arrivois incessam- ment à la mer du Sud, de là en Asie, de là en Europe, de là.... J'eusse voulu pouvoir dire, comme les Grecs :«Et là-bas! là-bas! la terre in- connue, la terre immense a ! » Tout se balance dans la nature : s'il falloit choisir entre les lumières de Cook et l'ignorance d'Hannon, j'aurois, je crois, la foiblesse de me décider pour la dernière.

a Je serois moins naïf aujourd'hui, et peut-être au- rois-je tort. Quelque chose de la note sur les végétaux européens semés dans les îles étrangères , se retrouve dans les Mélanges littéraires , article Mackenzie.

Nouv. Éd.

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