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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ce collège, auraient fait honneur à Sainte-Barbe et au Plessis. Le chevalier de Parny[1] avait aussi étudié à Rennes ; j’héritai de son lit dans la chambre qui me fut assignée.

Rennes me semblait une Babylone, le collège un monde. La multitude des maîtres et des écoliers, la grandeur des bâtiments, du jardin et des cours, me paraissaient démesurées[2] : je m’y habituai cependant. À la fête du principal, nous avions des jours de congé ; nous chantions à tue-tête à sa louange de superbes couplets de notre façon, où nous disions :


Ô Terpsichore, ô Polymnie,
Venez, venez remplir nos vœux ;
La raison même vous convie.


Je pris sur mes nouveaux camarades l’ascendant que j’avais eu à Dol sur mes anciens compagnons : il

  1. Parny (Évariste-Désiré De Forges de), né à l’Île Bourbon le 6 février 1753, mort à Paris le 5 décembre 1814. À l’âge de 9 ans, il fut envoyé en France et mis au collège de Rennes ; il y fit ses études avec Ginguené, lequel plus tard a publiquement payé sa dette à ses souvenirs par une agréable épître de 1790, et par son zèle à défendre la Guerre des Dieux dans la Décade. (Sainte-Beuve, Portraits contemporains et divers, tome III, p. 124.)
  2. Le collège de Rennes était un des plus importants de France. Il avait été fondé par les Jésuites en 1607. Lorsqu’ils le quittèrent, en 1762, un collège communal, aussitôt organisé, fut installé dans les bâtiments qu’ils venaient de quitter. C’est encore dans le même local que se trouve aujourd’hui le lycée de Rennes, mais l’étendue en a été fort réduite. Il faut, pour avoir une idée de ce qu’était, au xviiie siècle, ce collège qui semblait « un monde » à Chateaubriand, consulter les plans que l’autorité royale fit dresser pendant sa procédure contre les Jésuites, plans qui furent envoyés à la cour de Rome et dont le Cabinet des estampes possède un double, en 5 vol. in-fo. En 1761, le