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XVII
INTRODUCTION

moires le terrain que leur avait fait perdre tout d’abord la publication en feuilletons. Elle eut d’ailleurs contre elle la critique presque tout entière. Vivant, Chateaubriand avait pour lui tous les critiques, petits et grands. À deux ou trois exceptions près, que j’indiquerai tout à l’heure, ils se prononcèrent tous, grands et petits, contre l’empereur enterré.

Est-il besoin de dire que la prétendue infériorité des Mémoires d’Outre-tombe n’était pour rien, ou pour bien peu de chose, dans cette levée générale de boucliers, laquelle tenait à de tout autres causes ?

En 1850, les fautes de la République, les sottises et les crimes des républicains, avaient remis en faveur les hommes de la monarchie de Juillet. Nombreux et puissants à l’Assemblée législative, ils disposaient de quelques-uns des journaux les plus en crédit. Ils usèrent de leurs avantages, ce qui, après tout, était de bonne guerre, en faisant expier à Chateaubriand les attaques qu’il ne leur avait pas ménagées dans son livre. Paraissant au lendemain du 24 février, en 1848, ces attaques revêtaient un caractère fâcheux. Leur auteur faisait figure d’un homme sans courage, courant sus à des vaincus, poursuivant de ses invectives passionnées des ennemis par terre. M. Thiers, surtout, avait été traité par l’illustre écrivain avec une justice qui allait jusqu’à l’extrême rigueur ; dans ce passage, par exemple : « Devenu président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, M. Thiers s’extasie aux finesses diplomatiques de l’école Talleyrand ; il s’expose à se faire prendre pour un turlupin à la suite, faute d’aplomb, de gravité et de silence. On peut faire fi du sérieux et des grandeurs de l’âme, mais il ne faut pas le dire avant d’avoir amené le monde subjugué à s’asseoir aux orgies de Grand-Vaux[1] » Un peu plus loin, le ministre du 1er mars était représenté dans une autre et non moins étrange posture : « perché

  1. Tome XI, p. 358.