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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Fougères, était agréablement situé entre deux étangs parmi des bois, des rochers et des prairies[1]. J’y demeurai quelques mois tranquille ; une lettre de Paris vint troubler mon repos.

Au moment d’entrer au service et d’épouser mademoiselle de Rosanbo, mon frère n’avait point encore quitté la robe ; par cette raison il ne pouvait monter dans les carrosses. Son ambition pressée lui suggéra l’idée de me faire jouir des honneurs de la cour afin de mieux préparer les voies à son élévation. Les preuves de noblesse avaient été faites pour Lucile lorsqu’elle fut reçue au chapitre de l’Argentière ; de sorte que tout était prêt : le maréchal de Duras[2] devait être mon patron. Mon frère m’annonçait que j’entrais dans la route de la fortune ; que déjà j’obtenais le rang de capitaine de cavalerie, rang honorifique et de courtoisie ; qu’il serait aisé de m’attacher à l’ordre de Malte, au moyen de quoi je jouirais de gros bénéfices.

Cette lettre me frappa comme un coup de foudre : retourner à Paris, être présenté à la cour, — et

  1. Le château de Marigny est situé dans la commune de Saint-Germain-en-Coglès, canton de Saint-Brice-en-Coglès, arrondissement de Fougères (Ille-et-Vilaine). C’est, on le sait, dans les environs de Fougères que Balzac a placé le théâtre de son roman des Chouans ou la Bretagne en 1799, et il l’écrivit précisément au château de Marigny, où il était l’hôte du général baron de Pommereul. Il aurait pu y faire un rôle à la sœur de Chateaubriand, car la comtesse de Marigny, royaliste ardente, ne laissa pas de prendre à la chouannerie une part assez active ; son château servait aux chefs de lieu de rendez-vous. On la trouve de même mêlée à la pacification de 1800. (Le Maz, Un district breton, p. 338.) La comtesse de Marigny est morte à Dinan le 18 juillet 1860, dans sa cent et unième année.
  2. Voir sur lui la note 1 de la page 27.