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XIX
INTRODUCTION

Contre ces attaques venues de tant de côtés différents, les écrivains royalistes protesteront-ils ? Prendront-ils la défense des Mémoires et de leur auteur ? Ils le firent, sans doute, mais timidement et à contre-cœur. Eux-mêmes avaient bien quelques griefs contre le livre. Les uns, disciples de M. de Villèle, avaient peine à oublier la part que Chateaubriand avait prise à la chute du grand ministre de la Restauration ; les autres ne lui pardonnaient pas ses sévérités à l’endroit de M. de Blacas et de la petite cour de Prague. Vivement attaqués, les Mémoires furent donc mollement défendus. Seuls, Charles Lenormant, dans le Correspondant[1], et Armand de Pontmartin, dans l’Opinion publique[2], soutinrent avec vaillance l’effort des adversaires. S’il ne leur fut pas donné de vaincre, ils sauvèrent, du moins, l’honneur du drapeau.

Quand un combat s’émeut entre deux essaims d’abeilles, il suffit, pour le faire cesser, de leur jeter quelques grains de poussière. Cette grande mêlée, provoquée par la publication des Mémoires d’Outre-tombe, et à laquelle prirent part les abeilles — et les frelons — de la critique, a pris fin, elle aussi, il y a longtemps. Il a suffi, pour le faire tomber, d’un peu de ce sable que nous jettent en passant les années :

Hi motus animorum atque hœc certamina tanta
Pulveris exigui jactu compressa quiescunt
[3].

Les Mémoires d’Outre-tombe se sont relevés de la condamnation portée contre eux. Il n’est pas un véritable ami des lettres qui ne les tienne aujourd’hui pour une œuvre digne de Chateaubriand, pour l’un des plus beaux modèles de la prose française.

  1. Le Correspondant, livraisons des 25 octobre et 10 novembre 1850.
  2. L’Opinion publique, des 7 mai 1850, 16 et 22 février, 3, 9 et 16 mars 1851.
  3. Les Géorgiques, liv. IV