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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

bourgeois Vauquelin trois têtes de porc ayant chacun une orange entre les dents, et trois sous marqués de la plus ancienne monnaie connue.

Je revins passer un semestre à Fougères. Là régnait une fille noble, appelée mademoiselle de La Belinaye[1], tante de cette comtesse de Tronjoli, dont j’ai déjà parlé. Une agréable laide, sœur d’un officier au régiment de Condé, attira mes admirations : je n’aurais pas été assez téméraire pour élever mes vœux jusqu’à la beauté ; ce n’est qu’à la faveur des imperfections d’une femme que j’osais risquer un respectueux hommage.

Madame de Farcy, toujours souffrante, prit enfin la résolution d’abandonner la Bretagne. Elle détermina Lucile à la suivre ; Lucile, à son tour, vainquit mes répugnances : nous prîmes la route de Paris ; douce association des trois plus jeunes oiseaux de la couvée.

Mon frère était marié ; il demeurait chez son beau-père, le président de Rosanbo, rue de Bondy[2]. Nous convînmes de nous placer dans son voisinage : par l’entremise de M. Delisle de Sales, logé dans les pavillons de Saint-Lazare, au haut du faubourg Saint-Denis, nous arrêtâmes un appartement dans ces mêmes pavillons.

  1. Renée-Élisabeth de la Belinaye, fille aînée d’Armand Magdelon, comte de la Belinaye, et de Marie-Thérèse Frain de la Villegontier, née à Fougères le 28 janvier 1728, morte en la même ville le 19 juin 1816. — Sa sœur, Thérèse de la Belinaye, mariée à Anne-Joseph-Jacques Tuffin de la Rouërie, a été la mère du marquis Armand, le célèbre conspirateur.
  2. Je relève sur l’Almanach royal de 1789, p. 294, la mention suivante : « Cour de Parlement. Grand’Chambre. Président… Messire Louis Le Peletier de Rosanbo, rue de Bondy. »