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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

s’insinua dans la Révolution à la suite de Chamfort, nous arriva par ce cousinage que tous les Bretons ont entre eux. Ginguené vivait dans le monde sur la réputation d’une pièce de vers assez gracieuse, la Confession de Zulmé, qui lui valut une chétive place dans les bureaux de M. de Necker ; de là sa pièce sur son entrée au contrôle général. Je ne sais qui disputait à Ginguené son titre de gloire, la Confession de Zulmé ; mais dans le fait il lui appartenait.

Le poète rennais savait bien la musique et composait des romances. D’humble qu’il était, nous vîmes croître son orgueil, à mesure qu’il s’accrochait à quelqu’un de connu. Vers le temps de la convocation des états généraux, Chamfort l’employa à barbouiller des articles pour des journaux et des discours pour des clubs : il se fit superbe. À la première fédération il disait : « Voilà une belle fête ! on devrait pour mieux l’éclairer brûler quatre aristocrates aux quatre coins de l’autel. » Il n’avait pas l’initiative de ces vœux ; longtemps avant lui, le ligueur Louis Dorléans avait écrit dans son Banquet du comte d’Arête : « qu’il falloit attacher en guise de fagots les ministres protestants à l’arbre du feu de Saint-Jean et mettre le roy Henry IV dans le muids où l’on mettoit les chats. »

Ginguené eut une connaissance anticipée des meurtres révolutionnaires. Madame Ginguené prévint mes sœurs et ma femme du massacre qui devait avoir lieu aux Carmes, et leur donna asile : elle demeurait cul-de-sac Férou, dans le voisinage du lieu où l’on devait égorger.

Après la Terreur, Ginguené devint quasi chef de