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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Je menai mon Pindare à l’heure de la messe dans la galerie de Versailles. L’Œil-de-Bœuf était rayonnant : le renvoi de M. Necker avait exalté les esprits ; on se croyait sûr de la victoire : peut-être Sanson[1] et Simon[2], mêlés dans la foule, étaient spectateurs des joies de la famille royale.

La reine passa avec ses deux enfants ; leur chevelure blonde semblait attendre des couronnes : madame la duchesse d’Angoulême, âgée de onze ans, attirait les yeux par un orgueil virginal ; belle de la noblesse du rang et de l’innocence de la jeune fille, elle semblait dire comme la fleur d’oranger de Corneille, dans la Guirlande de Julie :


J’ai la pompe de ma naissance.

Le petit Dauphin marchait sous la protection de sa sœur, et M. Du Touchet suivait son élève ; il m’aperçut et me montra obligeamment à la reine. Elle me fit, en me jetant un regard avec un sourire, ce salut

  1. Sanson (Charles-Henri), né en 1739. Il fut nommé exécuteur des hautes-œuvres le 1er février 1778. Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, qui lui accordait, ce jour-là, ses lettres de provision, devait, quinze ans plus tard, mourir de sa main. — Charles-Henri Sanson, que la plupart des biographes font à tort mourir en 1793, quelques mois après l’exécution de Louis XVI, n’a cesse d’exercer ses fonctions de bourreau que le 13 fructidor an III (30 août 1795), époque à laquelle il sollicita sa mise à la retraite. Le 4 pluviôse an X (24 janvier 1802), il réclamait une pension pour ses services. On ignore la date de sa mort. (G. Lenotre, la Guillotine pendant la Révolution.)
  2. Simon (Antoine), savetier et membre de la Commune de Paris ; nommé instituteur du fils de Louis XVI le 1er juillet 1793 ; — guillotiné le 10 thermidor an II (28 juillet 1794).