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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

cette nouvelle s’est-elle répandue à Paris, que l’opinion opposée s’en empare ; on s’écrie que Louis refuse sa sanction à la déclaration des droits, pour s’enfuir à Metz avec le comte d’Estaing[1], Marat propage cette rumeur : il écrivait déjà l’Ami du peuple[2].

Le 5 octobre arrive. Je ne fus point témoin des événements de cette journée. Le récit en parvint de bonne heure, le 6, dans la capitale. On nous annonce en même temps une visite du roi. Timide dans les salons, j’étais hardi sur les places publiques : je me sentais fait pour la solitude ou pour le forum. Je courus aux Champs-Élysées : d’abord parurent des canons, sur lesquels des harpies, des larronnesses, des filles

    son militaire de Sa Majesté, donna l’ordre au chef de musique d’exécuter l’air de Grétry : Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ! Le chef répondit qu’il ne l’avait pas et fit jouer : Ô Richard, ô mon roi ! qui était aussi de Grétry. Ce pauvre chef de musique ne prévoyait pas en choisissant cet air, qu’il préparait à Fouquier-Tinville un des articles de son acte d’accusation contre la reine de France (Moniteur du 16 octobre 1793). — La pièce de Richard Cœur-de-Lion, où se trouve l’air : Ô Richard, ô mon roi ! avait été représentée pour la première fois le 21 octobre 1784. Les paroles sont de Sedaine.

  1. Le vice-amiral Charles-Henri d’Estaing, lors des journées d’octobre, était commandant de la garde nationale de Versailles. Il s’était couvert de gloire pendant la guerre d’Amérique. Nommé amiral de France au mois de mars 1792, il fut autorisé à en remplir les fonctions sans perdre le droit d’avancer, à son tour, dans l’armée de terre, à laquelle il appartenait également. L’année suivante, il était arrêté comme suspect, et, le 28 avril 1794, il mourait sur l’échafaud.
  2. Le journal de Marat commença de paraître le 12 septembre 1789, avec ce titre : Le Publiciste parisien, journal politique, libre et impartial, par une Société de patriotes, et rédigé par M. Marat, auteur de l’Offrande à la Patrie, du Moniteur et du Plan de Constitution, etc. À partir du numéro 6, c’est-à-dire le 17 septembre 1789, le journal prit le titre de l’Ami du Peuple ou le Publiciste parisien.