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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

selon le noble et chaste jargon de la cour, le duc de Lauzun, devenu duc de Biron, commandant pour la Convention dans la Vendée : quelle pitié ! Le baron de Besenval[1], révélateur menteur et cynique des corruptions de la haute société, mouche du coche des puérilités de la vieille monarchie expirante, ce lourd baron compromis dans l’affaire de la Bastille, sauvé par M. Necker et par Mirabeau, uniquement parce qu’il était Suisse : quelle misère ! Qu’avaient à faire de pareils hommes avec de pareils événements ? Quand la Révolution eut grandi, elle abandonna avec dédain les frivoles apostats du trône : elle avait eu besoin de leurs vices, elle eut besoin de leurs têtes : elle ne méprisait aucun sang, pas même celui de la du Barry.

L’année 1790 compléta les mesures ébauchées de l’année 1789. Le bien de l’Église, mis d’abord sous la main de la nation, fut confisqué, la constitution civile du clergé décrétée, la noblesse abolie.

Je n’assistais pas à la fédération de juillet 1790 : une indisposition assez grave me retenait au lit ; mais je m’étais fort amusé auparavant aux brouettes du Champ de Mars. Madame de Staël a merveilleusement décrit cette scène[2]. Je regretterai toujours de n’avoir pas vu M. de Talleyrand dire la messe servie par

  1. Pierre-Victor, baron de Besenval, né en 1722 à Soleure, mort le 2 juin 1791. Ses Mémoires, publiés par le vicomte de Ségur (1805-1807, 4 vol. in-8o) ont été désavoués par la famille.
  2. Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, par Mme de Staël, seconde partie, chapitre XVI : De la Fédération du 14 juillet 1790.