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XLIV
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

et mes ouvrages sous l’empire, ma course à Jérusalem, mes occupations et mes ouvrages sous la restauration, enfin l’histoire complète de cette restauration et de sa chute.

J’ai rencontré presque tous les hommes qui ont joué de mon temps un rôle grand ou petit à l’étranger et dans ma patrie. Depuis Washington jusqu’à Napoléon, depuis Louis XVIII jusqu’à Alexandre, depuis Pie VII jusqu’à Grégoire XVI, depuis Fox, Burke, Pitt, Sheridan, Londonderry, Capo-d’Istria, jusqu’à Malesherbes, Mirabeau, etc. ; depuis Nelson, Bolivar, Méhémet, pacha d’Égypte jusqu’à Suffren, Bougainville, Lapeyrouse, Moreau, etc. J’ai fait partie d’un triumvirat qui n’avait point eu d’exemple : trois poètes opposés d’intérêts et de nations se sont trouvés, presque à la fois, ministres des Affaires étrangères, moi en France, M. Canning en Angleterre, M. Martinez de la Rosa en Espagne. J’ai traversé successivement les années vides de ma jeunesse, les années si remplies de l’ère républicaine, des fastes de Bonaparte et du règne de la légitimité.

J’ai exploré les mers de l’Ancien et du Nouveau-Monde, et foulé le sol des quatre parties de la terre. Après avoir campé sous la hutte de l’Iroquois et sous la tente de l’Arabe, dans les wigwuams des Hurons, dans les débris d’Athènes, de Jérusalem, de Memphis, de Carthage, de Grenade, chez le Grec, le Turc et le Maure, parmi les forêts et les ruines ; après avoir revêtu la casaque de peau d’ours du sauvage et le cafetan de soie du mameluck, après avoir subi la pauvreté, la faim, la soif et l’exil, je me suis assis, ministre et ambassadeur, brodé d’or, bariolé d’insignes et