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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Ma nourrice se trouva stérile ; une autre pauvre chrétienne me prit à son sein. Elle me voua à la patronne du hameau, Notre-Dame de Nazareth, et lui promit que je porterais en son honneur le bleu et le blanc jusqu’à l’âge de sept ans. Je n’avais vécu que quelques heures, et la pesanteur du temps était déjà marquée sur mon front. Que ne me laissait-on mourir ? Il entrait dans les conseils de Dieu d’accorder au vœu de l’obscurité et de l’innocence la conservation des jours qu’une vaine renommée menaçait d’atteindre.

Ce vœu de la paysanne bretonne n’est plus de ce siècle : c’était toutefois une chose touchante que l’intervention d’une Mère divine placée entre l’enfant et le ciel, et partageant les sollicitudes de la mère terrestre.

Au bout de trois ans, on me ramena à Saint-Malo ; il y en avait déjà sept que mon père avait recouvré la terre de Combourg. Il désirait rentrer dans les biens où ses ancêtres avaient passé ; ne pouvant traiter ni pour la seigneurie de Beaufort, échue à la famille de Goyon, ni pour la baronnie de Chateaubriand, tombée dans la maison de Condé, il tourna ses yeux sur Combourg que Froissart écrit Combour[1] : plusieurs branches de ma famille l’avaient possédé par des mariages avec les Coëtquen. Combourg défendait la Bretagne dans les marches normande et an-

    minicains, dont les bâtiments, aujourd’hui transformés en ferme, joignent la partie nord-est de la modeste chapelle où le futur pèlerin de Paris à Jérusalem fut relevé de son premier vœu.

  1. Longtemps encore après Froissart, on a continué d’écrire Combour, ce qui était suivre l’ancienne forme du nom, Comburnium. C’est seulement de 1660 à 1680 que le g a été ajouté.