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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

dame de Vintimille[1] avait été chantée avec sa sœur par M. de La Harpe. Son langage était circonspect, son caractère contenu, son esprit acquis : elle avait vécu avec mesdames de Chevreuse, de Longueville, de La Vallière, de Maintenon, avec madame Geoffrin et madame du Deffant. Elle se mêlait bien à une société dont l’agrément tenait à la variété des esprits et à la combinaison de leurs différentes valeurs.

Madame Hocquart[2] fut fort aimée du frère de madame de Beaumont[3], lequel s’occupa de la dame de

    un peu sauvage, riait d’être appelée le loup. Jamais on ne vit réunies des bêtes de tant d’esprit.

  1. Petite-fille du fermier général La Live de Bellegarde, fille d’Ange-Laurent La Live de Jully (1725-1779), introducteur des ambassadeurs, elle avait épousé le comte de Vintimille du Luc, capitaine de vaisseau, « homme de beaucoup d’esprit, dit Norvins, mais s’inquiétant peu de postérité ». — « Sans cette indifférence, continue Norvins (Mémorial, I, 58), ce ménage aussi eût été complet, car Mme  de Vintimille était une des femmes les plus aimables, les plus instruites et les plus spirituelles de la société, hautement avouée sous ces rapports par sa tante Mme  d’Houdetot, et brevetée également par Mme  de Damas, par sa fille et par Mme  Pastoret, dont la compétence était établie dans la société, et sans déroger elle pouvait avouer son mari. » — Le chancelier Pasquier dit de son côté (Mémoires, I, 206) : « Je citerai en première ligne Mme  de Vintimille, une des personnes les plus instruites, les plus spirituelles, du jugement le plus sûr et la plus élevé que j’aie rencontrées. Son amitié est de celles dont je m’honore le plus et qui a tenu le plus de place dans ma vie. »
  2. Mme  Hocquart, qui, même à côté de Mme  de Vintimille, se faisait remarquer par le charme de sa beauté et l’agrément de son esprit, était la fille de Mme  Pourrat, dont le salon, aux belles années de Louis XVI, avait réuni l’élite de la société et de la littérature. La seconde fille de Mme  Pourrat était Mme  Laurent Lecoulteux, celle dont André Chénier a célébré sous le nom de Fanny
    La grâce, la candeur, la naïve innocence.
  3. Antoine-Hugues-Calixte de Montmorin, ex-sous-lieutenant dans le 5e régiment de chasseurs à cheval. Il avait donné sa dé-