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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/359

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chez lui : il est demeuré tel dans mon esprit qu’il s’y plaça au premier moment. Au reste, ses belles façons faisaient contraste avec celles des marauds de son entourage ; ses roueries avaient une importance inconcevable : aux yeux d’un brutal guêpier, la corruption des mœurs semblait génie, la légèreté d’esprit profondeur. La Révolution était trop modeste ; elle n’appréciait pas assez sa supériorité : ce n’est pas même chose d’être au-dessus ou au-dessous des crimes.

Je vis les ecclésiastiques attachés au cardinal ; je distinguai le joyeux abbé de Bonnevie[1] : jadis aumô-

    vous en avez fait n’ont pu que vous faire connaître d’une manière avantageuse dans votre pays et dans celui où vous allez résider, et je ne doute point du soin que vous mettrez à justifier la confiance du gouvernement. J’ai l’honneur, etc. »

  1. L’abbé de Bonnevie (Pierre-Étienne), né à Rethel le 6 janvier 1761, mort à Lyon le 7 mars 1849. Pendant l’émigration, il avait été, ainsi que le dit Chateaubriand, aumônier à l’armée des princes. Après le rétablissement du culte, il fut nommé chanoine à la Primatiale de Lyon, et accompagna le cardinal Fesch à Rome en 1803. Une étroite intimité s’établit entre l’auteur du Génie du Christianisme et le très spirituel abbé, qui ne tarda pas à conquérir l’estime et l’affection de Mme de Chateaubriand. Jusqu’à leur mort, il resta l’un de leurs plus fidèles amis. On trouvera dans le livre de M. l’abbé Pailhès sur Chateaubriand, sa femme et ses amis, quelques-unes des lettres écrites par la vicomtesse de Chateaubriand à son cher Comte de Lyon. Elles sont charmantes, surtout celle du 10 juillet 1839, trop longue pour être ici donnée tout entière, mais dont voici au moins quelques lignes :

    « … Je vous écris ces lignes pour vous gronder. On dit, l’abbé, que vous vous portez à merveille ; que vous êtes jeune et gai comme par le passé ; pourquoi donc ne pas venir nous voir ? On voyage à tout âge, et dans ce moment surtout que la poste vient de lancer sur les chemins des voitures de courriers qui feraient rougir une voiture d’ambassadeur. Je vous ai dit que nous avons une vilaine chambre à vous donner ; mais si vous voulez être logé comme un chanoine, vous pourrez prendre