Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

celui dont la voile devança le vaisseau du pilote génois au Nouveau Monde ? Biorn dort sur la pointe d’un cap ignoré, et depuis mille ans son nom ne nous est transmis que par les sagas des poètes, dans une langue que l’on ne parle plus.


J’avais commencé mes courses dans le sens contraire des autres voyageurs : les vieilles forêts de l’Amérique s’étaient offertes à moi avant les vieilles cités de l’Europe. Je tombais au milieu de celles-ci au moment où elles se rajeunissaient et mouraient à la fois dans une révolution nouvelle. Milan était occupé par nos troupes ; on achevait d’abattre le château, témoin des guerres du moyen âge.

L’armée française s’établissait, comme une colonie militaire, dans les plaines de la Lombardie. Gardés çà et là par leurs camarades en sentinelle, ces étrangers de la Gaule, coiffés d’un bonnet de police, portant un sabre en guise de faucille par-dessus leur veste ronde, avaient l’air de moissonneurs empressés et joyeux. Ils remuaient des pierres, roulaient des canons, conduisaient des chariots, élevaient des hangars et des huttes de feuillage. Des chevaux sautaient, caracolaient, se cabraient dans la foule comme des chiens qui caressent leurs maîtres. Les Italiennes vendaient des fruits sur leurs éventaires au marché de cette foire armée : nos soldats leur faisaient présent de leurs pipes et de leurs briquets, en leur disant comme les anciens barbares, leurs pères, à leurs bien-aimées :

    matin, pour l’avoir appris de son jeune ami Jean-Jacques Ampère, le seul homme de France qui s’intéressât alors aux choses de Scandinavie.