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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/392

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Rome et qu’elle était très, très-malade : voilà ce qu’il m’a dit. J’en ai été profondément affligée ; mes nerfs s’en sont ressentis, et j’ai beaucoup pensé à cette femme charmante, que je ne connaissais pas depuis longtemps, mais que j’aimais véritablement. Que de fois j’ai désiré pour elle du bonheur ! Que de fois j’ai souhaité qu’elle pût franchir les Alpes et trouver sous le ciel de l’Italie les douces et profondes émotions que j’y ai ressenties moi-même ! Hélas ! n’aurait-elle atteint ce pays si ravissant que pour n’y connaître que les douleurs et pour y être exposée à des dangers que je redoute ! Je ne saurais vous exprimer combien cette idée m’afflige. Pardon, si j’en ai été si absorbée que je ne vous ai pas encore parlé de vous-même, mon cher Chateaubriand ; vous devez connaître mon sincère attachement pour vous, et, en vous montrant l’intérêt si vrai que m’inspire madame de Beaumont, c’est vous toucher plus que je n’eusse

    pas de lui parler librement, en homme qui n’est ni courtisan ni flatteur. Il avait commis dans sa jeunesse quelques vers républicains ; une feuille ministérielle, qui ne pardonnait pas à la Quotidienne de combattre le ministère Villèle, les exhuma. Charles X les lut et en parla à M. Michaud qui répondit : « Les choses iraient bien mieux si le roi était aussi au courant de ses affaires que Sa Majesté paraît l’être des miennes. » Au mois de janvier 1827, M. de Lacrételle avait soumis à l’Académie française la proposition d’une supplique au roi à l’occasion de la loi sur la presse : M. Michaud fut de ceux qui adhérèrent, ce qui lui valut de perdre sa place de lecteur du roi et les appointements de mille écus qui y étaient attachés, seule récompense de ses longs services. Charles X le fit venir, et comme il lui adressait avec douceur quelques reproches : « Sire, dit M. Michaud, je n’ai prononcé que trois paroles, et chacune m’a coûté mille francs. Je ne suis pas assez riche pour parler. » Et il se tut.