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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/401

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

l’étrangère : le miroir ne fut point terni du souffle de la vie et la lumière resta immobile. Tout était fini[1].


Ordinairement ceux qui pleurent peuvent jouir en paix de leurs larmes, d’autres se chargent de veiller aux derniers soins de la religion : comme représentant, pour la France, le cardinal-ministre absent alors, comme le seul ami de la fille de M. de Montmorin, et responsable envers sa famille, je fus obligé de présider à tout : il me fallut désigner le lieu de la sépulture, m’occuper de la profondeur et de la largeur de la fosse, faire délivrer le linceul et donner au menuisier les dimensions du cercueil.

Deux religieux veillèrent auprès de ce cercueil qui devait être porté à Saint-Louis des Français. Un de ces pères était d’Auvergne et né à Montmorin même. Madame de Beaumont avait désiré qu’on l’ensevelît dans une pièce d’étoffe que son frère Auguste, seul échappé à l’échafaud, lui avait envoyée de l’Île-de-France[2]. Cette étoffe n’était point à Rome ; on n’en

  1. Madame de Beaumont mourut le vendredi, 4 novembre 1803. Quatre jours plus tard, Chateaubriand adressa à M. Guillaume de la Luzerne une longue lettre sur les derniers moments de sa belle-sœur. Joubert a dit de cette Relation, dont il avait eu en mains une copie : « Rien au monde n’est plus propre à faire couler les larmes que ce récit. Cependant il est consolant. On adore ce bon garçon en le lisant. Et quant à elle, on sent pour peu qu’on l’ait connue, qu’elle eût donné dix ans de vie, pour mourir si paisiblement et pour être ainsi regrettée. » — La lettre de Chateaubriand à M. de la Luzerne a été publiée par M. Paul de Raynal dans son très intéressant volume sur les Correspondants de Joubert.
  2. Auguste de Montmorin, officier de marine, avait péri en 1793 dans une tempête en revenant de l’Île-de-France. — Dans