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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/424

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

faible lueur qu’il traîne quelquefois après lui en rampant ?

M. le cardinal Fesch m’a retrouvé depuis, ambassadeur auprès de Léon XII ; il m’a donné des preuves d’estime : de mon côté, j’ai tenu à le prévenir et à l’honorer. Il est d’ailleurs naturel que l’on m’ait jugé avec une sévérité que je ne m’épargne pas. Tout cela est archipassé : je ne veux pas même reconnaître l’écriture de ceux qui, en 1803, ont servi de secrétaires officiels ou officieux à M. le cardinal Fesch.

Je partis pour Naples : là commença une année sans madame de Beaumont ; année d’absence, que tant d’autres devaient suivre ! Je n’ai point revu Naples depuis cette époque, bien qu’en 1828 je fusse à la porte de cette même ville, où je me promettais d’aller avec madame de Chateaubriand. Les orangers étaient couverts de leurs fruits, et les myrtes de leurs fleurs. Baïes, les Champs-Élysées et la mer, étaient des enchantements que je ne pouvais plus dire à personne. J’ai peint la baie de Naples dans les Martyrs[1]. Je montai au Vésuve et descendis dans son cratère[2]. Je me pillais : je jouais une scène de René[3].

  1. Les Martyrs, livre V.
  2. « Je propose à mon guide de descendre dans le cratère ; il fait quelque difficulté, pour obtenir un peu plus d’argent. Nous convenons d’une somme qu’il veut avoir sur-le-champ. Je la lui donne. Il dépouille son habit ; nous marchons quelque temps sur les bords de l’abîme, pour trouver une ligne moins perpendiculaire, et plus facile à descendre. Le guide s’arrête et m’avertit de me préparer. Nous allons nous précipiter. — Nous voilà au fond du gouffre… » — Voyage en Italie, au chapitre sur le Vésuve, 5 janvier 1804.
  3. « Un jour, j’étais monté au sommet de l’Etna… Je vis le soleil se lever dans l’immensité de l’horizon au-dessous de moi, la Sicile resserrée comme un point à mes pieds, et la mer dé-