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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/556

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

vingt-quatre heures de plus que notre prévision dans le mouillage, Monsieur en marquait vivement son mécontentement au capitaine, malgré les justes raisons que celui-ci lui donnait.

« Il y avait environ un mois que nous naviguions, et il ne nous fallait plus que sept ou huit heures pour arriver dans le port de Tunis. Tout à coup le vent devint si violent que nous fûmes obligés de nous mettre au large, et nous restâmes trois semaines sans pouvoir aborder ce port. C’est encore dans ce moment que Monsieur reprocha de nouveau au capitaine d’avoir perdu trente-six heures au mouillage. On ne pouvait le persuader qu’il nous serait arrivé plus grand malheur si le capitaine eût été moins prévoyant. Le malheur que je voyais était de voir nos provisions baisser, sans savoir quand nous arriverions. »

Je foulai enfin le sol de Carthage. Je trouvai chez M. et madame Devoise l’hospitalité la plus généreuse. Julien fait bien connaître mon hôte ; il parle aussi de la campagne et des Juifs : « Ils prient et pleurent, » dit-il.

Un brick de guerre américain m’ayant donné passage à son bord, je traversai le lac de Tunis pour me rendre à La Goulette. « Chemin faisant, dit Julien, je demandai à Monsieur s’il avait pris l’or qu’il avait mis dans le secrétaire de la chambre où il couchait ; il me dit qu’il l’avait oublié, et je fus obligé de retourner à Tunis. » L’argent ne peut jamais me demeurer dans la cervelle.

Quand j’arrivai d’Alexandrie, nous jetâmes l’ancre en face les débris de la cité d’Annibal. Je les regar-