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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/565

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

si vous reveniez de Montlhéry. À ce propos, je me souviens qu’un pieux antiquaire des environs de Saint-Denis en France m’a écrit pour me demander si Pontoise ne ressemblait pas à Jérusalem.

La page qui termine l’Itinéraire semble être écrite en ce moment même, tant elle reproduit mes sentiments actuels.

« Il y a vingt ans, disais-je, que je me consacre à l’étude au milieu de tous les hasards et de tous les chagrins ; diversa exsilia et desertas quœrere terras : un grand nombre des feuilles de mes livres ont été tracées sous la tente, dans les déserts, au milieu des flots ; j’ai souvent tenu la plume sans savoir comment je prolongerais de quelques instants mon existence… Si le ciel m’accorde un repos que je n’ai jamais goûté, je tâcherai d’élever en silence un monument à ma patrie ; si la Providence me refuse ce repos, je ne dois songer qu’à mettre mes derniers jours à l’abri des soucis qui ont empoisonné les premiers. Je ne suis plus jeune, je n’ai plus l’amour du bruit ; je sais que les lettres, dont le commerce est si doux quand il est secret, ne nous attirent au dehors que des orages. Dans tous les cas, j’ai assez écrit si mon nom doit vivre ; beaucoup trop s’il doit mourir. »

Il est possible que mon Itinéraire demeure comme un manuel à l’usage des Juifs errants de ma sorte : j’ai marqué scrupuleusement les étapes et tracé une carte routière. Tous les voyageurs à Jérusalem m’ont écrit pour me féliciter et me remercier de mon exactitude ; j’en citerai un témoignage :

« Monsieur, vous m’avez fait l’honneur, il y a quel-