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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

n’ai besoin de vous. Votre famille et vos amis vous environnent, et vous trouvez en vous-même plus de ressources que je ne puis en trouver en moi. D’ailleurs, il y a déjà six ans que je vis pour ainsi dire de mon intérieur, et il faut à la fin qu’il s’épuise. Et puis, cet Argos dont on se ressouvient toujours, et qui, après avoir été quelque temps une grande douceur, devient une grande amertume !

Si vous avez quelque humanité, écrivez-moi souvent, très souvent. Parlez-moi de vos travaux et de cette femme admirable que vous devez beaucoup aimer, car elle a beaucoup fait pour vous. Des hauteurs du bonheur ne m’oubliez pas. Indiquez-moi de nouveau les moyens de correspondre avec vous ; je suppose que les premières adresses que vous m’aviez données ne valent plus rien. Adieu, croyez au sincère, au très sincère attachement de votre ami des terres de l’exil.

Ne trouvez-vous pas qu’il y ait quelque chose qui parle au cœur dans une liaison commencée par deux Français malheureux, loin de leur patrie ? Cela ressemble beaucoup à celle de René et d’Outougamiz : nous avons juré dans un désert et sur des tombeaux.

Je ne signe point, ne signez plus. Le cousin vous dit mille choses ainsi que M. de L[amoignon]. Le contrôleur des finances[1] n’a point tenu sa parole et je suis fort malheureux. Rappelez-moi au souvenir de l’ancien ami F[lins][2].


IV

comment fut composé le « génie du christianisme »[3].


Dans une lettre du 19 août 1799, que nous donnerons tout à l’heure, Chateaubriand annonce à ses amis de France « un ouvrage qui s’imprime à Londres et qui a pour titre : De la Religion chrétienne par rapport à la Morale et aux Beaux-Arts ; cet octavo de grandeur ordi-

  1. M. du Theil.
  2. Bibliothèque de Genève. — Original autographe, sans suscription ni signature. — Chateaubriand, sa femme et ses amis, par l’abbé Pailhès.
  3. Ci-dessus, p. 181.