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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

PRÉFACE

Je donne aujourd’hui au public le fruit d’un travail de plusieurs années ; et comme j’ai réuni dans le Génie du christianisme d’anciennes observations que j’avais faites sur la littérature, et une grande partie de mes recherches sur l’histoire naturelle et sur les mœurs des sauvages de l’Amérique, je puis dire que ce livre est le résultat des études de toute ma vie.

J’étais encore à l’étranger lorsque je livrai à la presse le premier volume de mon ouvrage. Cette édition fut interrompue par mon retour en France, au mois de mai 1800 (floréal an VIII).

Je me déterminai à recommencer l’impression à Paris et à refondre le sujet en entier, d’après les nouvelles idées que mon changement de position me fit naître : on ne peut écrire avec mesure que dans sa patrie.

Deux volumes de cette seconde édition étaient déjà imprimés, lorsqu’un accident me força de publier séparément l’épisode d’Atala, qui faisait partie du second volume et qui se trouve maintenant dans le troisième[1].

L’indulgence avec laquelle on voulut bien accueillir cette petite anecdote ne me rendit que plus sévère pour moi-même. Je profitai de toutes les critiques, et, malgré le mauvais état de ma fortune, je rachetai les deux volumes imprimés du Génie du christianisme, dans le dessein de retoucher encore une fois tout l’ouvrage.

C’est cette troisième édition que je publie. J’ai été forcé d’entrer dans ces détails, premièrement : pour montrer que si mes talents n’ont pas répondu à mon zèle, du moins j’ai suffisamment senti l’importance de mon sujet ; secondement : pour avertir que tout ce que le public connaît jusqu’à présent de cet ouvrage a été cité très incorrectement, d’après les deux éditions manquées. Or,

  1. C’est l’histoire de René qui remplace aujourd’hui celle d’Atala dans le second volume. (Note de Chateaubriand.)