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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/612

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

preuve, on la trouverait dans les termes mêmes de son testament :

Je lègue, y est-il dit, 200 francs aux pauvres de ma paroisse. Ma nièce n’ayant rien, et ce que je laisserai étant peu de chose, il ne m’est pas possible de faire davantage pour cette classe qui est si à plaindre. J’engage chaque Français à se rappeler que la religion fait un devoir sacré de soulager les indigents, et de faire tout ce qu’on peut pour adoucir le sort des infortunés : je remercie monsieur et madame de Talaru[1] des marques d’amitié qu’ils m’ont données ; j’en conserverai le souvenir jusqu’au dernier moment. Je remercie également les respectables docteurs Malhouet et Portal, des soins qu’ils ont bien voulu me donner, avec un grand zèle, dans ma maladie. Je prie MM. de Fontanes, Chateaubriand, de Courtivron, de Chabannes, Récamier, de Herain, Liénard, Migneret et Agasse de se souvenir combien je leur étais attaché. Je nomme M. Boulard, notaire, mon ami depuis vingt ans, mon exécuteur testamentaire. Je supplie la divine Providence d’exaucer les vœux que je fais pour le bonheur de mon pays. — Puisse ma patrie jouir longtemps de la paix et de la tranquillité ! Puissent les saintes maximes de l’Évangile être généralement suivies pour le bonheur de la société !


Dans un codicille joint à ce testament, La Harpe avait ajouté la déclaration suivante :

Ayant eu le bonheur de recevoir hier, pour la seconde fois, le saint viatique, je crois devoir faire encore une dernière déclaration des sentiments que j’ai publiquement manifestés depuis neuf ans et dans lesquels je persévère. Chrétien par la grâce de Dieu, et professant la religion catholique, apostolique et romaine, dans laquelle j’ai eu le bonheur de naître et d’être élevé, et dans laquelle je veux finir de vivre et mourir, je déclare que je crois fermement tout ce que croit et enseigne l’Église romaine, seule fondée par Jésus-Christ ; que je condamne d’esprit et de cœur tout ce qu’elle condamne ; que j’approuve de même tout ce qu’elle approuve ; en conséquence, je rétracte tout ce que j’ai écrit et imprimé, ou qui a été imprimé sous mon nom, de con-

  1. La veuve du comte Stanislas de Clermont-Tonnerre, remariée au marquis de Talaru. Elle avait puissamment contribué, avec deux évêques, l’évêque de Montauban et l’évêque de Saint-Brieuc, à la conversion de La Harpe en 1794. La marquise le Talaru était la cousine de Chateaubriand.