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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

mémoires qu’elle écrit. C’est en 1804 qu’a eu lieu, après une séparation de douze années, sa réunion avec son mari, c’est donc à partir de ce moment seulement que ses souvenirs pourront être utiles à ce dernier, et comme c’est pour lui seul qu’elle écrit, elle ne songe pas un instant à reprendre les choses de plus haut. De même, elle terminera ses notes avec la fin des Cent-Jours, parce qu’au delà de cette date elles ne serviraient de rien à M. de Chateaubriand. Ce qui achève de prouver que le Cahier rouge n’avait pas d’autre but que de fournir à l’illustre écrivain des notes et des points de repère, c’est qu’on n’y trouve rien, absolument rien, qui soit personnel à Mme de Chateaubriand. M. Maxime du Camp dit, il est vrai, dans ses Souvenirs, à la suite du passage que j’ai cité : « Plusieurs anecdotes, relatées dans ces mémoires avec une sincérité toute conjugale, expliquent l’ennui morbide qui a toujours pesé sur Chateaubriand ; elles ont trait à des faits intimes, à des faits de famille que je ne crois pas avoir le droit de révéler. » Les souvenirs de M. Maxime du Camp l’ont ici mal servi. Les « faits intimes », les « anecdotes conjugales », brillent, dans le Cahier rouge, par leur absence, — toujours par le même motif. Les incidents de la vie de famille, les impressions personnelles de Mme de Chateaubriand ne pouvaient pas trouver place dans les Mémoires de son mari ; elle n’avait pas dès lors à en parler, — et elle n’en a pas parlé.

M. l’abbé Pailhès a publié le Cahier rouge, en 1887, dans son livre sur Madame de Chateaubriand d’après ses mémoires et sa correspondance. Il nous a ainsi mis à même d’apprécier la façon dont en a usé Chateaubriand avec les notes écrites par sa femme à son intention et sur sa demande.

Lorsqu’on rapproche les deux textes, le Cahier rouge et les Mémoires d’Outre-tombe, ce qui frappe tout d’abord, c’est que Chateaubriand n’a pas romancé les souvenirs de sa femme. Il les a suivis pas à pas, mot à mot, sans y rien