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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/81

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

jusqu’à la plaine adhérente aux fortifications extérieures de Thionville.

L’ingénieur qui nous dirigeait nous fit élever un cavalier gazonné, destiné à nos canons ; nous filâmes un boyau parallèle, à ciel ouvert, pour nous mettre au-dessous du boulet. Ces terrasses allaient lentement, car nous étions tous, officiers jeunes et vieux, peu accoutumés à remuer la pelle et la pioche. Nous manquions de brouettes, et nous portions la terre dans nos habits, qui nous servaient de sacs. Le feu d’une lunette s’ouvrit sur nous ; il nous incommodait d’autant plus, que nous ne pouvions riposter : deux pièces de huit et un obusier à la Cohorn, qui n’avait pas la portée, étaient toute notre artillerie. Le premier obus que nous lançâmes tomba en dehors des glacis ; il excita les huées de la garnison. Peu de jours après, il nous arriva des canons et des canonniers autrichiens. Cent hommes d’infanterie et un piquet de cavalerie de la marine furent, toutes les vingt-quatre heures, relevés à cette batterie. Les assiégés se disposèrent à l’attaquer ; on remarquait avec le télescope du mouvement sur les remparts. À l’entrée de la nuit, on vit une colonne sortir par une poterne et gagner la lunette à l’abri du chemin couvert. Ma compagnie fut commandée de renfort.

À la pointe du jour, cinq ou six cents patriotes engagèrent l’action dans le village, sur le grand chemin, au-dessus de la ville ; puis, tournant à gauche, ils vinrent à travers les vignes prendre notre batterie en flanc. La marine chargea bravement, mais elle fut culbutée et nous découvrit. Nous étions trop mal armés pour croiser le feu ; nous marchâmes la baïonnette en