pensait à élever son propre nom au-dessus de ceux de l’ancienne histoire, et s’il eût voulu figurer dans ces mascarades, je ne crois pas qu’il eût choisi celui de Brutus. »
Il y a courage dans cette confession. Bonaparte, dans le Mémorial de Sainte-Hélène, garde un silence profond sur cette partie de sa vie. Ce silence, selon madame la duchesse d’Abrantès, s’explique par ce qu’il y avait de scabreux dans sa position : « Bonaparte s’était mis plus en évidence, dit-elle, que Lucien, et quoique depuis il ait beaucoup cherché à mettre Lucien à sa place, alors on ne pouvait s’y tromper. Le Mémorial de Sainte-Hélène, aura-t-il pensé, sera lu par cent millions d’individus, parmi lesquels peut-être en comptera-t-on à peine mille qui connaissent les faits qui me déplaisent. Ces mille personnes conserveront la mémoire de ces faits d’une manière peu inquiétante par la tradition orale : le Mémorial sera donc irréfutable[1] ».
Ainsi de lamentables doutes restent sur le billet que Lucien ou Napoléon a signé : comment Lucien, n’étant pas représentant de la Convention, se serait-il arrogé le droit de rendre compte du massacre ? Était-il député de la commune de Saint-Maximin pour assister au carnage ? Alors comment aurait-il assumé sur sa tête la responsabilité d’un procès-verbal lorsqu’il y avait plus grand que lui aux yeux de l’amphithéâtre, et des témoins de l’exécution accomplie par
- ↑ Mémoires de la duchesse d’Abrantès, tome I, p. 181.
plus tard, le 4 mai 1794 (15 floréal an II), avec Catherine Boyer, sœur de l’aubergiste chez qui il logeait, il prit, dans l’acte de mariage, la dénomination de Brutus Buonaparte.