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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

houris aux yeux noirs, toujours jeunes et toujours vierges, vous vous reposiez à l’ombre du laba, dont les branches offriront d’elles-mêmes aux vrais musulmans tout ce qu’ils pourront désirer. »

De telles parades ne changent rien à la gravité des Pyramides :

Vingt siècles, descendus dans l’éternelle nuit,
Y sont sans mouvement, sans lumière et sans bruit[1].

Bonaparte, en remplaçant Chéops dans la crypte séculaire, en aurait augmenté l’immensité ; mais il ne s’est jamais traîné dans ce vestibule de la mort[2].

« Pendant le reste de notre navigation sur le Nil », dis-je dans l’Itinéraire, « je demeurai sur le pont à contempler ces tombeaux. . . . . . . . . . . . . Les grands monuments font une partie essentielle de la gloire de toute société humaine : ils portent la mémoire d’un peuple au delà de sa propre existence, et le font vivre contemporain des générations qui viennent s’établir dans ses champs abandonnés. »

  1. Vers du P. Lemoyne, dans son poème épique, Saint Louis, ou la Sainte couronne reconquise sur les infidèles, 1653.
  2. « Bonaparte n’est pas entré dans la grande pyramide ; il n’en a pas même eu la volonté, ni la pensée. Certes, je l’y aurais suivi. Je ne l’ai pas quitté une seconde dans le désert. Il fit entrer quelques personnes dans l’une des grandes pyramides. Il se tenait devant, et en sortant on lui rendait compte de ce que l’on voyait dans l’intérieur, c’est-à-dire qu’on lui annonçait que l’on n’avait rien vu. Toute cette conversation avec le muphti, les ulémas, est une mauvaise plaisanterie ; il n’y en avait pas plus que de pape et d’archevêques… Cet entretien de Bonaparte dans l’une des pyramides avec plusieurs imans et muphtis, est de pure invention. » Mémoires de M. de Bourrienne, t. II, p. 300.