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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

estouper le sien, tant le faisoit fermement et dévotement. »

Bonaparte met le siège devant Saint-Jean-d’Acre[1]. On verse le sang à Cana, qui fut témoin de la guérison du fils du centenier par le Christ ; à Nazareth[2], qui cacha la pacifique enfance du Sauveur ; au Thabor, qui vit la transfiguration et où Pierre dit : « Maître, nous sommes bien sur cette montagne ; dressons-y trois tentes. » Ce fut du mont Thabor[3] que fut expédié l’ordre du jour à toutes les troupes qui occupaient Sour, l’ancienne Tyr, Césarée, les cataractes du Nil, les bouches Pélusiaques, Alexandrie et les rives de la mer Rouge, qui porte les ruines de Kolsun et d’Arsinoé. Bonaparte était charmé de ces noms qu’il se plaisait à réunir.

Dans ce lieu des miracles, Kléber et Murat renouvelèrent les faits d’armes de Tancrède et de Renaud : ils dispersèrent les populations de la Syrie, s’emparèrent du camp du pacha de Damas, jetèrent un regard sur le Jourdain, sur la mer de Galilée, et prirent possession de Scafet, l’ancienne Béthulie. — Bonaparte remarque que les habitants montrent l’endroit où Judith tua Holopherne.

Les enfants arabes des montagnes de la Judée m’ont appris des traditions plus certaines lorsqu’ils me criaient en français : « En avant, marche ! » « Ces mêmes déserts », ai-je dit dans les Martyrs, « ont vu marcher les armées de Sésostris, de Cambyse,

  1. Le 18 mars 1799.
  2. Le 4 avril, Junot, qui n’avait avec lui que cinq cents hommes, rencontra l’avant-garde turque à Nazareth et la mit en déroute.
  3. La victoire du Mont-Thabor, remportée par Bonaparte et Kléber, est du 16 avril.