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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Éclairez les jours de la vie, il ne seront plus ce qu’ils sont.

Au mois de juillet 1808, je tombai malade, et je fus obligé de revenir à Paris. Les médecins rendirent la maladie dangereuse[1]. Du vivant d’Hippocrate, il y avait disette de morts aux enfers, dit l’épigramme : grâce à nos Hippocrates modernes, il y a aujourd’hui abondance.

C’est peut-être le seul moment où, près de mourir, j’aie eu envie de vivre. Quand je me sentais tomber en faiblesse, ce qui m’arrivait souvent, je disais à madame de Chateaubriand : « Soyez tranquille ; je vais revenir. » Je perdais connaissance, mais avec une grande impatience intérieure, car je tenais. Dieu sait à quoi. J’avais aussi la passion d’achever ce que je croyais et ce que je crois encore être mon ouvrage le plus correct. Je payais le fruit des fatigues que j’avais éprouvées dans ma course au Levant.

Girodet[2] avait mis la dernière main à mon portrait.

  1. « Quand nous quittions le jardin, M. de Chateaubriand se mettait à travailler à ses Martyrs et à son Itinéraire, et nous passions ainsi très heureusement notre vie, quand, au mois d’avril 1808, M. de Chateaubriand fut atteint d’une fièvre lente, avant-coureur d’une grave maladie qu’il fit pendant l’été 1808. Vers le mois de juillet (ou juin) il tomba tout à fait malade. Nous revînmes loger à l’hôtel de Rivoli. Cette maladie fut longue et extrêmement douloureuse. » Souvenirs de Mme de Chateaubriand.
  2. Anne-Louis Girodet (1767-1824), le peintre d’Endymion, de la Scène du déluge, etc. Il avait exposé dans un précédent Salon les Funérailles d’Atala. Chateaubriand lui paya sa dette au premier chant des Martyrs, où, après avoir décrit le sommeil d’Eudore, il ajoute : « Tel, un successeur d’Apelles a représenté le sommeil d’Endymion. » Et, dans une note de son poème : « Il était bien juste, dit-il, que je rendisse ce faible hommage à l’au-